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Nom de domaine et droit au nom des sportifs

Chaque personne dispose du droit au respect de sa vie privée, par la protection des articles 9 du Code Civil et 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Tout élément révélant un caractère d’intimité fait l’objet de cette protection.

Ainsi, une référence ou une allusion à la vie privée d’une personne, privée ou publique, est susceptible de constituer une atteinte à sa vie privée.

Il appartient en conséquence à la personne de fixer seule les limites de ce qui peut être ou non publié sur sa vie intime, en même temps que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.

Toutefois, la Jurisprudence a retenu à plusieurs reprises que les déclarations d’une personne publique peuvent être de nature à atténuer les atteintes qu’elle prétendrait avoir subi du fait de la publication.

Ainsi, il a été à plusieurs reprises reconnu que l’image d’une personne se trouvait protégée au titre de ce droit à la vie privée.Cette protection est acquise par toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou avenir (Cour de Cassation, 1e Civ, 23 octobre 1990 : Bull I n° 222 page 158).

Alors que jusqu’à ces dernières années, les contentieux étaient occupés en large partie par le droit à l’image des personnes célèbres, avec le développement d’Internet, s’est posée la question du droit au nom de ces personnes célèbres, et notamment des sportifs.

En effet, l’utilisation du nom d’un sportif célèbre peut avoir un impact non négligeable sur les consultations d’un site Internet.

Depuis quelques années déjà, les contrats des sportifs intègrent une clause de cession de droits incluant l’utilisation du droit à l’image sur des supports électroniques.

Des licences d’exploitation portant sur les noms de sportifs célèbres en vue d’une utilisation de ce nom en tant que métatag ou dans le cadre de contrat de référencement sont régulièrement acquises par les annonceurs vendant des produits à destination du grand public.

Toutefois, en dehors de ces usages contractuels, s’est posée à plusieurs reprises le droit au nom que le sportif peut avoir sur son nom patronymique.

En effet, l’utilisation du nom patronymique d’un sportif célèbre en tant qu’adresse URL permet une meilleure
visibilité au site Internet qui souhaite bénéficier de l’image de marque de ce sportif.

Pour cette raison, plusieurs affaires judiciaires et d’arbitrage se sont penchées sur les litiges relatifs à la réservation d’un nom de domaine correspondant au nom patronymique d’un sportif, sans son autorisation.

Par exemple, le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE, le 13 mars 2000, s’est prononcé sur unnom de domaine qui correspondait au nom patronymique d’Amélie MAURESMO.

Le Tribunal a considéré que : ‘le nom est un droit de la personnalité qui fait l’objet à ce titre d’une protection permettant à son titulaire de le défendre contre toute appropriation indue de la part d’un tiers lorsque celui-ci, par l’utilisation qu’il en fait, cherche à tirer profit de la confusion qu’il crée dans l’esprit du public (…). En répertoriant les sites Internet qu’il a créé sous des noms de domaine utilisant le nom patronymique de la demanderesse, [le défendeur] s’approprie sans son consentement un attribut de sa personnalité dans des conditions de nature à semer la confusion dans l’esprit du public. En effet, en se connectant à l’un de ces sites, tout internaute peut légitimement se croire sur un site ouvert ou au moins contrôlé, par la championne, ce qui n’est pas le cas’.

Dans le même sens, le Centre de Médiation et d’Arbitrage de l’OMPI a, quant à lui, rendu plusieurs décisions concernant des sportifs qui avaient vu leur nom utilisé par des noms de domaine déposés par un tiers, notamment concernant les deux patronymes ‘venusandserenawilliams.com’.

D’après ces décisions, la réservation du nom de domaine d’un sportif célèbre par un tiers sans son consentement constitue manifestement une appropriation indue de son nom patronymique, et une violation du droit du porteur légitime de ce nom patronymique.

Le porteur légitime du nom patronymique est alors en droit sur le fondement de son droit de la personnalité, d’engager toute démarche, y compris judiciaire, en vue de voir ordonner le transfert de ce nom patronymique.

Toutefois, d’autres fondements peuvent être envisagés. Dans l’hypothèse où le sportif a pris la précaution de déposer le nom sous lequel il est célèbre à titre de marque, on pourra associer également le fondement de la contrefaçon de marque.

En effet, ce dépôt en tant que marque peut permettre de simplifier les conditions de recevabilité d’une action intentée dans le cadre de la procédure UDRP (Uniform Domain name dispute Resolution Policy).

Cette procédure a été instaurée par l’ICANN afin de permettre de gérer les litiges relatifs aux noms de domaine génériques (notamment les .com, .net et .org). En effet, la procédure UDRP concerne les litiges portant sur des noms de domaine ‘identiques ou semblables au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits’ (article 4 a-i des Principes directeurs).

Le transfert sera ordonné si le déposant n’a ‘aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime’ et que ce nom est utilisé de mauvaise foi (Article 4 a-i-i et article 4 a-i-i-i ).

Différents critères seront pris en compte par les arbitres pour constater cette mauvaise foi ou cette absence d’intérêt légitime : il s’agira par exemple du fait de l’absence de site Internet créé à partir du nom litigieux, ou le re-routage vers un autre site.

Toutefois, la question se pose de savoir si le site qui serait créé par un fan peut constituer un intérêt légitime au sens du règlement de l’ICANN.

Il s’agit de la stricte hypothèse du fan utilisant le nom patronymique du sportif pour créer un site exclusivement dédié à son idole.

Une appréciation au cas par cas doit être faite de ces sites et seront notamment mis en avant l’absence de caractère commercial du site, la mention évidente du caractère non officiel du site, ou encore les efforts de mise à jour du site.

En toute hypothèse, le caractère légitime de l’utilisation du nom patronymique du sportif ne sera pas retenue en cas de site ayant une vocation de critique ou de parodie.

En conséquence, il est conseillé au sportif d’être vigilant sur l’utilisation faite par des tiers de son nom patronymique et d’être cohérent dans le cadre des autorisations qu’il peut ou non concéder aux tiers, et notamment aux tiers.

Pour aller plus loin, voir les articles suivants :

– ‘Le Celebrity squatting’, par Elisabeth DURIEUX, 8 avril 2002, www.juriscom.net
– TGI de PARIS, ordonnance de référé du 23 mai 2001, société Jean-Luc LAGARDERE c/ Max I.J, www.legalis.net
– ‘200 personnalités politiques détroussées de leur nom de domaine’, par Etienne WERY, 26 octobre 2001, www.droit-technologie.org
http://arbiter.wipo.int Cas n° D2000-0596 (Sting) et Cas n° D2000-1673 (Serena WILLIAMS et Venus WILLIAMS)