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Vers l'interdiction du spamming ?


1) Contexte.

Depuis quelques années, les internautes, essentiellement américains, voient se développer la pratique de l’e-mail marketing. Selon Jupiter Communication, le marché mondial de l’e-mail marketing devrait représenter 7,3 milliards de dollars en 2005 contre seulement 164 millions en 1999.Les internautes américains recevront alors en moyenne plus de 1600 e-mails commerciaux par an (soit plus de quatre par jour).

Ce phénomène, plus connu sous le nom de spamming, nécessite d’être réglementé. L’envoi de messages électroniques à des fins de prospection directe implique nécessairement la collecte des adresses électroniques qui doit respecter les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et de la directive du 24 octobre 1995.Lorsque l’internaute laisse son adresse sur un site, il doit être informé de l’éventuelle utilisation de celle-ci à des fins de prospect et doit pouvoir s’opposer à recevoir ce type de message.

Bien souvent, la collecte se fait de façon sauvage grâce à des ‘ logiciels aspirateurs ‘ d’adresses présentes sur les listes de diffusion ou les forums de discussion.

2) Réglementation existante antérieure à 2001.

L’article 12 alinéa 2 de la directive du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications laissait le choix aux Etats entre les deux systèmes de l’opt-in et de l’opt-out.Il en va de même de l’article7 de la directive du 8 juin 2000 qui impose, lorsque les Etats en choisi le système de l’opt-out pour régir les communications commerciales non sollicitées, des mesures d’accompagnement.

Les expéditeurs de ce type de message doivent identifier de manière claire et non équivoque la personne pour le compte de laquelle la communication est faite et la nature commerciale des messages dès leur réception par le destinataire.

Seule la directive européenne du 20 mai 1997 avait jusqu’alors pris position en consacrant le système de l’opt out dans son article 10§2
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Néanmoins, cette directive laissait la possibilité aux Etats membre d’opter pour le système inverse, l’opt-in, dans son article 14.

Cinq Etats ont ainsi profité de cette opportunité pour consacrer législativement le système de l’opt in pour réglementer le spamming sur leur territoire (l’Allemagne (non par une loi, mais au vu de la jurisprudence), l’Italie, la Finlande, l’Autriche et le Danemark).

3) En France : l’ordonnance du 23 août 2001 et le projet de loi sur la société de l’information du 18 juillet 2001.

La France vient de transposer cette directive du 20 mai 1997 (avec plus de deux ans de retard) par l’ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001.L’article 12 de cette ordonnance introduit un nouvel article L. 121-20-5 du Code de la consommation qui consacre le système de l’opt-out pour la prospection commerciale par courrier électronique non sollicité.

Ce texte prévoit que les modalités d’application de ce système seront fixées ultérieurement par un décret pris en Conseil d’Etat.

Cette transposition devance et annule l’article 22 du projet de loi sur la société de l’information du 18 juin 2001 qui prévoyait également la consécration du système de l’opt-out en insérant un nouvel article L. 121-15-1 du Code de la consommation.

Cependant, le projet de loi prévoit des mesures d’accompagnement au système de l’opt out, en insérant les articles L. 121-15-2 à L. 121-15-6 du Code de la consommation .

L’article 22 du projet exige que ‘les publicités non sollicitées ainsi que les offres promotionnelles (…) adressées par courrier électronique ‘, puissent être ‘ identifiées de manière claire et non équivoque dès leur réception par le destinataire ‘.
Elle reprend ainsi les dispositions de l’article 7-1 de la directive du 8 juin 2000.

De plus, sur chaque message non sollicité, doit figurer une mention indiquant au destinataire qu’il a le droit de refuser ces envois et qu’il existe pour ce faire des registres d’opposition.

Enfin, ce projet de loi précise expressément que ces nouvelles dispositions s’appliquent également aux e-mails non sollicités à destination des professionnels.

Ironie du sort, cette ordonnance, qui consacre en droit positif français le système de l’opt-out, intervient alors que la commission européenne et le Conseil de l’Europe semblent sur le point de consacrer le système de l’opt-in.

4) Position commune en vue Du Conseil de l’Europe en vue de l’adoption de la directive du Parlement européen et du Conseil concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications du 21 janvier 2002.

La Commission européenne a publié une proposition de directive ‘ concernant le traitement de données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques ‘ qui consacrait le système de l’opt-in dans son article13. Dans une certaine mesure, il serait logique que les messages électroniques envoyés en bloc à des fins de prospection directe et non sollicitées soient régis de la même manière que la prospection par télécopies.De plus, le système de l’opt-in aurait le mérite d’éviter les divergences entre Etats membres. En effet, un système harmonisé de consentement préalable explicite est nécessaire à l’heure où bien souvent les adresses électroniques ne donnent aucune indication sur le pays de résidence de leur propriétaire.

La Commission du Parlement chargée des libertés et des droits des citoyens, par l’intermédiaire de M. CAPPATO, était revenue sur cette proposition et avait présenté au Parlement européen un texte amendé qui retenait finalement le système de l’opt-out.

L’auteur de ce renversement de situation justifiait son choix par le fait qu’ ‘ une formule d’ ‘ opt-in ‘ pour la prospection électronique pénaliserait les opérateurs conscients de leurs responsabilités mais n’empêcherait pas les autres de continuer à envoyer des courriers non sollicités ‘.

De plus, il craignait qu’un tel système constitue une entrave au développement du commerce électronique en Europe par rapport aux autres régions du monde.

En revanche, tout comme le prévoit le projet de loi sur la société de l’information, une multitude de mesures pour encadrer ce système étaient prévues par l’insertion de nouveaux paragraphes à cet article 13.

Ainsi, les communications commerciales non sollicitées étaient soumises au principe général de transparence.

Dès que l’abonné les reçoit, ces communications doivent ‘ être clairement identifiées comme telles ‘ (article13§1bis) et doivent préciser l’identité de l’expéditeur au nom duquel cette communication est effectuée (article13§2bis) et ‘ une adresse à laquelle les destinataires peuvent demander qu’un terme soit mis à de telles communications ‘.

En outre, les expéditeurs devaient consulter régulièrement et respecter les registres de personnes physiques ou morales qui ne souhaitent pas recevoir ces communications (article13§1ter).

Le Conseil européen a finalement adopté, le 21 janvier 2002 une position commune sur cette directive pour prendre position en faveur de l’opt-in. L’article 13 §1 est ainsi rédigé: ‘ L’utilisation de (…) courrier électronique à des fins de prospection directe ne peut être autorisée que si elle vise des abonnés ayant donné leur consentement préalable ‘.Le paragraphe 3 de cet article prohibe formellement toute communication de cette nature dès lors que l’adresse de l’émetteur n’est pas clairement précisée ou s’il s’agit d’une fausse adresse. Ensuite, il rappelle dans son paragraphe 5 que les Etats doivent également veiller à ce que les personnes morales soient suffisamment protégées en ce qui concernent les communications non sollicitées.

Néanmoins, une exception à l’application du principe est prévue au paragraphe 2.

Lorsque les coordonnées électroniques d’un client sont obtenues directement, dans le respect de la directive 95/46/CE, par une personne dans le cadre d’un achat d’un produit ou d’un service, ladite personne peut exploiter ces coordonnées à des fins de prospection directe pour des services ou produits analogues à condition que ‘les clients se voient donner clairement et expressément la faculté de s’opposer, sans frais et de manière simple, à une telle exploitation‘, lors de leur collecte ou de chaque message.

C’est le premier texte qui différencie le régime applicable à l’utilisation du courrier électronique à des fins de prospection directe selon que les adresses ont été obtenues directement ou non par l’expéditeur des messages.

5) Situation aux Etats-Unis.

Il est intéressant de signaler que la même situation incertaine se présente aux Etats-Unis. Ainsi, trois Etats américains prohibent et sanctionnent d’une lourde peine d’amende l’envoi de courriers électroniques à caractère commercial non sollicités par leurs destinataires.Cependant, comme en Europe, les avis divergent sur le choix du système à adopter. Au niveau fédéral, certains souhaitent que le Telephone Consumer Protection Act de 1991 qui prohibe la prospection non sollicitée par voie de télécopie voit son champ d’application étendu aux courriers électroniques.

D’autres au contraire expriment la volonté de mettre en œuvre une liste universelle d’opposition de type opt-out qui serait directement gérée par la Federal Trade Commission.

En définitive, il semble que la solution retenue outre-atlantique dans le unsolicited commercial Eletronic Mail Act of 2000, adopté le 17 juin 2000, est le système de l’opt-out. Les expéditeurs de spams doivent indiquer une adresse e-mail à laquelle le destinataire pourra exercer son droit d’opposition, respecter le droit à l’oubli d’un destinataire qui en fait la demande et mentionner clairement dans chaque message ces droits et la nature commerciale de l’e-mail.

Conclusion

En conclusion, les législations américaine et européenne concernant les communications commerciales non-sollicitées par courrier électronique semblent finalement avoir choisi deux solutions différentes et opposées.En définitive, il semble que dès l’instant que les Etats-Unis ont adopté le système de l’opt out, celui-ci s’imposait en Europe au nom du développement du commerce électronique.

De plus, force est de reconnaître que le système de l’opt-out tel qu’il est prévu par le projet de loi sur la société de est tout de même très protecteur des intérêts des internautes qui pourront aisément et efficacement s’opposer à recevoir ce type de communications. Reste à savoir de quelle manière seraient mis en place ces fameux registres d’opposition et s’ils seront consultés et respectés…

Dans ce contexte, le choix de l’opt in dans le dernier texte européen de janvier 2002 n’est peut-être pas judicieux en vue d’aboutir à un système de protection efficace.

En attendant cette harmonisation, il convient de préciser qu’en matière d’’autorisation des communications commerciales non sollicitées ‘, l’article 3 de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique qui pose le principe de l’application de la loi de l’Etat membre dans lequel le prestataire de service est établi ne s’applique pas. A titre dérogatoire, c’est la loi de l’Etat membre dans lequel est établi l’internaute destinataire du message qui a vocation à s’appliquer.De nouveau, apparaît une contradiction avec le principe de l’application de la loi de l’Etat membre dans lequel le responsable du traitement est établi, posé par l’article 4 de la directive de 1995.

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