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Les services de partage de vidéos en ligne et les droits des tiers

Les sites de partage de vidéos en ligne de type « YOUTUBE » prévoient, dans leurs conditions d’utilisation, certaines dispositions relatives au respect par les contributeurs des droits des tiers.

Ainsi, sur le plan de la propriété intellectuelle, les contributeurs sont invités à garantir les éditeurs des sites concernés de disposer de tous les droits, licences, consentements et autorisations nécessaires à la présentation des contributions, les internautes s’engageant à concéder aux sites en cause ainsi qu’à leurs utilisateurs une licence non exclusive, cessible, gratuite, pour le monde entier, permettant notamment la reproduction et la représentation des contenus en dehors de toute exploitation commerciale.

YOUTUBE prévoit, par exemple, qu’au-delà de deux mises en demeure envoyées relativement à des contenus illicites, un utilisateur récidiviste pourrait être exclu du site, sans qu’il soit toutefois aisé de déterminer l’identité d’un internaute dont les coordonnées sont purement déclaratives.

Ainsi, les contenus litigieux portent notamment sur les droits d’auteur et droits voisins, tels que des vidéos présentant un artiste dans le cadre de l’exécution d’une performance, en dehors de toute autorisation.

De nombreux artistes assignent désormais les internautes à l’origine d’une telle vidéo en associant les sites de partage de vidéos en ligne à leur démarche.

A titre d’exemple, la société CANAL + a assigné la plate-forme de partage de vidéos KEWEGO, mettant à la disposition des internautes des vidéos reprenant certaines de ses émissions, telles que « LES GUIGNOLS DE L’INFO » ou « LE GRAND JOURNAL ». Il en est de même de l’humoriste Lafesse à l’encontre de Dailymotion.

De même, un éditeur tel que YOUTUBE est actuellement visé à titre principal par une « class action » initiée aux Etats-Unis par différentes fédérations sportives, reprochant à celui-ci l’offre de vidéos relatives à des manifestations sportives dont les droits exclusifs de retransmission leur sont concédés moyennant des contreparties financières importantes, à l’origine de la majorité de leurs ressources.

Enfin, ce type de site peut servir de relais à la diffusion d’images portant atteinte à la vie privée de personnes.

La responsabilité invoquée par ces éditeurs est habituellement celle applicable aux hébergeurs.

Ainsi, n’étant pas soumis à une obligation générale de surveillance des contributions proposées, leur responsabilité ne serait engagée qu’à partir du moment où, informés du caractère illicite de certains contenus par une notification, ils n’auraient pas agi promptement pour les retirer du site.

A cette fin, les éditeurs mettent généralement en place un système d’alerte permettant à tout titulaire de droits contrariés par la mise en ligne de contributions de notifier à l’éditeur leur existence, et d’en solliciter le retrait.

Toutefois, les tribunaux saisis de ces affaires apprécient de plus en plus finement le rôle de ces plates-formes.

Ainsi, dans un jugement du 13/07/07, le TGI de Paris a considéré que « la société Dailymotion doit être considérée comme ayant connaissance à tout le moins de faits et circonstances laissant à penser que des vidéos illicites sont mises en ligne; qu’il appartient donc d’en assumer la responsabilité, sans pouvoir rejeter la faute sur les seuls utilisateurs, dès lors qu’elle leur a fourni délibérément les moyens de la commettre;
Attendu que si la loi n’impose pas aux prestataires techniques une obligation générales de recherches les faits ou circonstances révélant des activités illicites, cette limite ne trouve pas à s’appliquer lorsque lesdites activités sont générées ou induites par le prestataire lui-même;
Attendu que force est de constater en l’espèce que la société Dailymotion n’a mis en œuvre aucun moyen propre à rendre impossible l’accès au film « Joyeux Noël », sinon après avoir été mis en demeure, soit à un moment où le dommage était déjà réalisé, alors qu’il lui incombe de procéder à un contrôle a priori ;
Attendu en revanche qu’il ne saurait être imputé à la société Dailymotion d’avoir permis le téléchargement du film en cause dès lors que le site www.keepvid.com appartient à un tiers, lequel n’est pas dans la cause ».

En conséquence, le tribunal a retenu la condamnation de Dailymotion en lui attribuant la qualité de prestataire technique. Les juges considère donc que Dailymotion a connaissance du contenu hébergé et à ce titre doit assumer sa part de responsabilité.
L’éditeur du site n’est pas le seul responsable.

Parallèlement, des solutions sont recherchées par les éditeurs afin de filtrer en amont les vidéos pirate offertes sur le site (« finger printing »). La société GOOGLE annonçait par ailleurs en Avril 2007 le lancement d’un logiciel permettant aux titulaires de droits d’assurer une veille sur les diffusions illégales de leurs contenus, afin d’en demander le retrait (logiciel « claim your containt » [revendiquez votre contenu]).

De manière générale, ces sites de partage en ligne sont de plus en plus utilisés à des fins plus ambitieuses que celles à l’origine de leur succès (échange de vidéos présentant un caractère ludique, spectaculaire, inédit, etc.). En effet, nombre d’annonceurs recourent désormais aux services de partage de vidéos en ligne pour diffuser des spots publicitaires dont ils espèrent voir le réseau assurer leur diffusion par le buzz. De même, certaines institutions se lancent dans la communication par ce biais, telles notamment que la Commission Européenne, qui vient de lancer une chaîne thématique accessible depuis YOUTUBE.

Blandine Poidevin, Avocat
Chargée d’enseignement à l’Université de Lille 2

Viviane Gelles, Avocat