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Droit à l’image des enfants : une protection accrue

Lundi 6 mars, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition visant à accroître la protection du droit à l’image des enfants. Désormais cette proposition a été renvoyée devant le Sénat en première lecture. 

 

Contexte

Dans une société à la numérisation croissante, le respect de la vie privée des enfants apparaît comme une condition indispensable à leur sécurité.

La maîtrise de l’exploitation commerciale de l’image des mineurs, en confluence avec la lutte contre la pédopornographie numérique, sont les cibles majeures de ce projet de loi.

Cette tendance à publier sur les réseaux sociaux des images de ses enfants a un nom : le sharenting, contraction de deux mots anglais sharing (partager) et parenting (parentalité). Cette tendance à s’exposer, désormais déportée sur des mineurs qui ne sont pas conscients de la valeur de leur image sur internet ; n’est plus un acte anodin : désormais, l’enfant pourra se retourner contre ses parents au nom de son droit à l’image s’il considère que le contenu autrefois partagé est dévalorisant. Dans la majorité des cas, les mineurs semblent conscients et consentants à publier des informations personnelles les concernant sur internet, mais cela soulève une interrogation sur la valeur du consentement exprimé et sur leur maîtrise des contenus, ainsi que sur l’exercice de l’autorité parentale permettant aux parents de faire ces choix. 

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Source : CNIL


Des associations dénoncent des dérives, comme celles des « vlogs » (blogs vidéo) familiaux tenus par des parents faisant la course aux likes en exposant l’intimité de leurs enfants, parfois en quête de revenus publicitaires. Jusqu’à recourir à des mises en scène dégradantes, comme celles du « Cheese Challenge », viral sur TikTok, consistant à jeter une tranche de fromage fondu au visage d’un bébé et à filmer sa réaction.

En France, l’article 226-1 du Code Pénal prévoit que toute personne ayant diffusé ou publié des images d’un tiers sans son consentement encourt une peine d’un an de prison ou une amende de 45 000 euros. Cet article  vient en complément de l’article 9 du Code civil qui garantit que chacun a le droit au respect de sa vie privée. Si l’enfant, devenu dans quelques années jeune adulte, considère que les photos de lui nu dans un bain avec un canard en plastique nuisent à son image, il pourrait donc se retourner contre ses parents. Deux inconvénients à cette considération :

  • L’enfant ne pourrait-il pas se retourner non pas seulement contre ses parents, mais aussi contre tout tiers qui aurait par le passé diffusé une photo de lui qui nuit à son image ? Si l’objet de cette proposition de loi se borne à l’exercice de l’autorité parentale sur le sujet du droit à l’image des enfants concernés, une vision complète inclurait toute publication de l’enfant à laquelle il n’aurait pas expressément consenti. 
  • L’effet de cette loi, si elle est votée au Sénat, ne sera qu’en différé : tous les actuels enfants de parents connectés ne sont pas encore des adolescents ou adultes en mesure de considérer si oui ou non une photographie partagée nuit à leur image. 

Dans les faits, au-delà du seul partage de moments de la vie de leur enfant, les parents n’ont pas toujours conscience de l’utilisation qui est faite par les tiers de ces mêmes images. Bien que « le nombre de violences sexuelles dues à l’exposition de soi sur le Net est infime, en comparaison du nombre d’agressions sexuelles (notamment dans les sphères intrafamiliales) auxquelles les jeunes peuvent être confrontés IRL » (Jean-Marc Manach, journaliste spécialiste des questions de surveillance et de vie privée), il ne faut néanmoins pas oublier que 50% des photos échangées sur les réseaux pédopornographiques sont publiées, au départ, et innocemment bien sûr dans l’écrasante majorité des cas, par les parents (source : rapport du National Center for Missing and Exploited Children).

 

La proposition de loi n°757 « visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants »

 

Face aux expositions lucratives ou parfois simplement naïves de certains parents de leurs enfants sur les réseaux sociaux, ce texte a été adopté à l’unanimité, un consensus assez rare pour être souligné, et doit désormais être examiné au Sénat.

Dans le détail, cette proposition de loi apporte les compléments suivants aux articles actuels du Code civil, et notamment :

Actuel Modifié
Article 371-1 L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, et notamment à sa vie privée, selon son âge et son degré de maturité
Article 372-1Les parents exercent en commun le droit à l’image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée mentionné à l’article 9. Les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité
Article 373-2-6Le juge du tribunal judiciaire délégué aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises dans le cadre du présent chapitre en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.
Le juge peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents.
Il peut notamment ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents. Cette interdiction de sortie du territoire sans l’autorisation des deux parents est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République.
Le juge du tribunal judiciaire délégué aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises dans le cadre du présent chapitre en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.
Le juge peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents.
Il peut notamment ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents. Cette interdiction de sortie du territoire sans l’autorisation des deux parents est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République.
Il peut également, en cas de désaccord entre les parents sur l’exercice des actes non-usuels relevant du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de publier ou diffuser tout contenu sans l’autorisation de l’autre parent. Ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.
Article 377Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale ou si un parent est poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale.
Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale ou si un parent est poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci, ou si la diffusion de l’image de l’enfant par ses deux parents porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale

 

 Avec la collaboration de Carolann Volmat