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Le Spamming ou les courriers électroniques envoyés à des fins de prospection directe

L’envoi de messages électroniques à des fins de prospection directe (spamming) implique préalablement une opération de collecte des adresses électroniques. Cette collecte doit notamment respecter les dispositions de la loi du 6 janvier 1978, des directives des 24 octobre 1995, 15 décembre 1997 et 8 juin 2000, et de la directive du 12 juillet 2002.Lorsque l’internaute laisse son adresse sur un site Internet, il doit être informé de l’éventuelle utilisation de celle-ci à des fins de prospection[1] ; il doit pouvoir s’opposer à recevoir ce type de message[2]. S’agissant de fichiers achetés ou loués, il appartient au fournisseur de fichiers de garantir son client du respect de ce cadre juridique.

Réglementation antérieure

De nombreux textes évoquent le spamming. Il semble donc important de retracer l’historique de l’évolution législative sur ce sujet.L’article 12 alinéa 2 de la directive du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications laissait le choix aux Etats membre de l’Union Européenne entre les deux systèmes de l’opt-in et de l’opt-out.Il en va de même de l’article 7 de la directive du 8 juin 2000 qui impose, lorsque les Etats membres ont choisi le système de l’opt-out pour régir les communications commerciales non sollicitées, des mesures d’accompagnement. Les expéditeurs de ce type de message doivent identifier de manière claire et non équivoque la personne pour le compte de laquelle la communication est faite et la nature commerciale des messages dès leur réception par le destinataire. Seule la directive européenne du 20 mai 1997 avait jusqu’alors pris position en consacrant le système de l’opt-out dans son article 10 § 2.

Néanmoins, cette directive laissait la possibilité aux Etats membre d’opter pour le système inverse, l’opt-in, dans son article 14. Cinq Etats ont ainsi consacré très tôt le système de l’opt-in pour réglementer le spamming sur leur territoire (l’Allemagne, l’Italie, la Finlande, l’Autriche et le Danemark).

En France : l’ordonnance du 23 août 2001 et le projet de loi sur la société de l’information du 18 juillet 2001

La France a transposé la directive du 20 mai 1997 par l’ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001. L’article 12 de cette ordonnance introduit un nouvel article L. 121-20-5 du Code de la consommation qui consacre le système de l’opt-out pour la prospection commerciale par courrier électronique non sollicité.Ce texte prévoit que les modalités d’application de ce système seront fixées ultérieurement par un décret pris en Conseil d’Etat. Cette transposition devance et annule l’article 22 du projet de loi sur la société de l’information du 18 juin 2001 qui prévoyait également la consécration du système de l’opt-out en insérant un nouvel article L. 121-15-1 du Code de la consommation. Cependant, le projet de loi prévoit des mesures d’accompagnement au système de l’opt-out, en insérant les articles L. 121-15-2 à L. 121-15-6 du Code de la consommation . L’article 22 du projet exige que «les publicités non sollicitées ainsi que les offres promotionnelles (…) adressées par courrier électronique », puissent être « identifiées de manière claire et non équivoque dès leur réception par le destinataire ».

Elle reprend ainsi les dispositions de l’article 7-1 de la directive du 8 juin 2000. De plus, sur chaque message non sollicité, doit figurer une mention indiquant au destinataire qu’il a le droit de refuser ces envois et qu’il existe pour ce faire des registres d’opposition. Enfin, ce projet de loi précise expressément que ces nouvelles dispositions s’appliquent également aux e-mails non sollicités à destination des professionnels.

Ironie du sort, cette ordonnance, qui consacre en droit positif français le système de l’opt-out, intervient alors que la Commission Européenne et le Conseil de l’Europe consacrent le système de l’opt-in.

La directive du 12/07/02

La directive « concernant le traitement de données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques » consacre le système de l’opt-in dans son article 13[3].

Le Conseil Européen a en effet adopté, le 12 juillet 2002 une position commune prenant position en faveur de l’opt-in. Elle est ainsi rédigée : « L’utilisation de (…) courrier électronique à des fins de prospection directe ne peut être autorisée que si elle vise des abonnés ayant donné leur consentement préalable ». Néanmoins, une exception à l’application du principe est prévue au paragraphe 2.Lorsque les coordonnées électroniques d’un client sont obtenues directement, dans le respect de la directive 95/46/CE, par une personne dans le cadre d’un achat d’un produit ou d’un service, ladite personne peut exploiter ces coordonnées à des fins de prospection directe pour des services ou produits analogues à condition que ‘les clients se voient donner clairement et expressément la faculté de s’opposer, sans frais et de manière simple, à une telle exploitation‘, lors de leur collecte ou de chaque message. C’est le premier texte qui différencie le régime applicable à l’utilisation du courrier électronique à des fins de prospection directe selon que les adresses ont été obtenues directement ou non par l’expéditeur des messages.

Cette directive est en cours de transposition en France au travers du projet de réforme de la loi du 6 janvier 1978. Ce projet, adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 30 janvier 2002, est actuellement débattu au Sénat.

Un amendement parlementaire intéressera le lecteur : les députés ont expressément exclu de ce cadre juridique contraignant l’envoi de spamming entre professionnels.

Situation aux Etats-Unis

Trois Etats Américains prohibent et sanctionnent d’une lourde peine d’amende l’envoi de courriers électroniques à caractère commercial non sollicités par leurs destinataires[4]. Cependant, comme en Europe, les avis divergent sur le choix du système à adopter. Au niveau fédéral, certains souhaitent que le Telephone Consumer Protection Act de 1991 qui prohibe la prospection non sollicitée par voie de télécopie voit son champ d’application étendu aux courriers électroniques.D’autres au contraire expriment la volonté de mettre en œuvre une liste universelle d’opposition de type opt-out qui serait directement gérée par la Federal Trade Commission. En définitive, il semble que la solution retenue outre-atlantique dans le unsolicited commercial Electronic Mail Act of 2000, adopté le 17 juin 2000, est le système de l’opt-out. Les expéditeurs de spams doivent indiquer une adresse e-mail à laquelle le destinataire pourra exercer son droit d’opposition, respecter le droit à l’oubli d’un destinataire qui en fait la demande et mentionner clairement dans chaque message ces droits et la nature commerciale de l’e-mail.

Conclusion

En conclusion, en attendant une harmonisation Internationale par les usages, à défaut de cadre juridique unique, il convient de préciser qu’en matière d’«autorisation des communications commerciales non sollicitées », l’article 3 de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique qui pose le principe de l’application de la loi de l’Etat membre dans lequel le prestataire de service est établi ne s’applique pas. A titre dérogatoire, c’est la loi de l’Etat membre dans lequel est établi l’internaute destinataire du message qui a vocation à s’appliquer.


[1] Article 27 de la loi de 1978 et articles 6 1b et 10 b de la directive de 1995.

[2] Article 26 de la loi de 1978 et article 14b de la directive de 1995.

[3] J.O.C.E., 13 décembre 2000. Voir ce texte à l’adresse suivante : www.europa.eu.int/eur-lex/fr_500PC0385.html. Cete proposition de directive a pour objet de remplacer la directive 97/66//CE mentionnée précédemment.

[4] Il s’agit de la loi du 25 mars 1998 de l’Etat de Washington, la loi du 26 septembre 1998 de l’Etat de Californie et d’une loi de février 1999 de l’Etat du Nevada (source : rapport de la C.N.I.L. et S. LOUVEAUX : « Le spamming : état de la question », article disponible sur www.droit.fundp.ac.be/crid/eclip/default.htm).