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La loi AGEC et les filières à Responsabilité élargie des producteurs : quelles nouvelles obligations pour les entreprises ?

Cela fait désormais plus de trois ans que la loi n°2020-105 du 10 février 2020, dite loi AGEC (loi « anti-gaspillage pour une économie circulaire ») a été adoptée[1].

Parmi les mesures phares de ce texte, qui vise à transformer l’économie linéaire en économie circulaire[2], l’on retrouve notamment la volonté de plus utiliser que du plastique recyclé afin d’en finir avec le  plastique jetable (articles 5 et 7 de la loi notamment), mais aussi des mesures visant une meilleure information du consommateur, avec l’indice de réparabilité (article 16 de la loi) ainsi que des mesures visant à réduire le gaspillage, à l’instar de l’interdiction d’éliminer les invendus non alimentaires (article 35 de la loi).

Si la loi AGEC a vocation à avoir une portée relativement large et concerne de multiples acteurs économiques et sociaux, quantité de ses dispositions modifient le régime des filières à Responsabilité élargie des producteurs (dites « filières REP »).

Ce régime vise à encadrer la gestion des déchets par les membres de ces filières, et repose sur le principe du « pollueur-payeur ». La notion de filière REP et de responsabilité élargie des producteurs ainsi que leur régime ont notamment été construits par la directive 2008/98/CE relative aux déchets en droit de l’Union européenne et repris en droit français à l’occasion de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite loi « Grenelle II » ou « ENE »).

On compte aujourd’hui 25 filières REP, selon les types de produits concernés, qui ont permis de recycler 8,1 millions de tonnes de déchets en 2020[3]

Certaines dispositions de la loi AGEC, qui intègrent le Code de l’environnement, viennent ainsi réformer et approfondir le régime de la Responsabilité élargie des producteurs et mettent à la charge des entreprises concernées de nouvelles obligations.

Qui est concerné ?

Les acteurs économiques concernés par les filières REP sont ceux qui entrent dans la définition du producteur, précisée par la loi AGEC. Dans sa version en vigueur depuis le 12 février 2020, l’article L541-10 du Code de l’environnement dispose ainsi qu’est un producteur « toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication ».

Il convient de noter qu’en fonction de la filière REP concernée, des précisions peuvent être apportées afin d’apprécier la qualification de producteur : c’est notamment le cas pour ce qui concerne les producteurs d’équipements électroniques et électriques, dont la définition est encadrée par les dispositions réglementaires de l’article R543-174 du Code de l’environnement.

De cette qualification de producteur dépendra les obligations qui incomberont à l’entreprise concernée : lorsque celle-ci est un producteur, elle devra s’insérer dans le cadre des filières REP, en fonction de ses produits.

De manière générale, le cadre juridique des filières REP fait l’objet de nombreux textes, législatifs ou réglementaires, qui intègrent ou non le Code de l’environnement. La loi AGEC ne modifie donc qu’une partie de ce cadre, certaines dispositions anciennes demeurant, et de nouveaux textes (dont des décrets) entrant progressivement en vigueur.

Cela étant, il est possible de brosser un aperçu général des principales obligations qui incombent aux producteurs et qui découlent de la loi AGEC.

Faut-il adhérer à un éco-organisme ?

Afin de respecter leurs obligations, les producteurs peuvent soit adhérer à un éco-organisme, soit mettre en place un « système individuel de collecte et de traitement agréé » (article L541-10 du Code de l’environnement).

La mise en place d’un système individuel implique de passer par une procédure d’agrément auprès de l’administration, et met à la charge de celui qui le met en place l’obligation de réaliser un autocontrôle périodique reposant sur des audits indépendants et réguliers, qui lui permettra d’évaluer la gestion financière du système ou encore « la couverture des coûts de gestion des déchets » (articles R541-133 à R541-145 du Code de l’environnement). Le système individuel doit également assurer une « reprise sans frais des déchets sur leur lieu de production ou de détention »[4] selon certaines modalités.

L’autre solution prévue par les textes est l’adhésion du producteur à un éco-organisme, auquel ce dernier pourra « transférer » son obligation selon la lettre de l’article L541-10 du Code de l’environnement, et ce en contrepartie du versement d’une écocontribution audit organisme. Ce principe n’est pas nouveau, il n’apparait pas avec la loi AGEC, qui apporte néanmoins quelques précisions.

L’éco-organisme devra ainsi se charger de la réalisation de certaines démarches et proposera notamment des solutions relatives à la gestion des déchets issus des produits de ses adhérents. Le choix de l’éco-organisme dépendra de la filière REP dans laquelle entre l’activité de l’entreprise en question, les éco-organismes étant agrées pour une certaine période et pour des filières définies.

Le sort de l’écocontribution

L’adhésion du producteur à un éco-organisme suppose donc le versement à ce dernier d’une écocontribution (ou éco-participation). Il ne s’agit pas là d’une taxe, mais bien d’une contribution au fonctionnement de l’éco-organisme versée par ses adhérents en contrepartie du transfert de son obligation au titre du système de responsabilité élargie.

Le calcul du montant de l’écocontribution est notamment encadré par les textes, qui prévoient par exemple une modulation selon des critères de performance environnementale (article L541-10-3 du Code de l’environnement).

La loi AGEC n’apporte pas de réponse quant au point de savoir s’il est possible de répercuter l’écocontribution sur le prix de vente des produits commercialisés par le producteur. Néanmoins, il est possible de procéder de la sorte en respectant, le cas échéant, les stipulations du contrat type élaboré par l’éco-organisme en question (article R543-290-3 du Code de l’environnement). Il apparait également nécessaire de faire figurer l’information relative à cette répercussion sur les factures adressées au client du producteur[5]

Quelles obligations en termes de réemploi, réparation, recyclage et reprise des produits ?

La loi AGEC met à la charge des producteurs une obligation de réemploi, de réutilisation ou de recyclage des produits non-alimentaires neufs invendus (article L541-15-8 du Code de l’environnement). Il s’agit ici de respecter la hiérarchie des modes de traitement des déchets, fixée à l’article L541-1 du Code de l’environnement : la réutilisation prime sur le recyclage, qui prime sur la valorisation, qui prime sur l’élimination.

Toutefois, cette obligation ne s’applique à tous les produits concernés par les filières REP : sont ainsi exclus les produits « dont la valorisation matière est interdite » ou dont le réemploi, la réutilisation ou le recyclage ne répondent pas à l’objectif de développement durable par exemple.

Le non-respect de cette obligation est notamment sanctionné par une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne morale.

L’article L541-10-8 du Code de l’environnement prévoit quant à lui le principe de la « reprise 1 pour 1 » : il ne s’agit plus nécessairement ici du producteur mais du distributeur d’un produit relevant d’une filière REP, qui peut avoir pour obligation de reprendre sans frais ou de faire reprendre sans frais pour son compte les produits usagés que leurs clients souhaitent remplacer dans la limite « de la quantité et du type de produit vendu ou des produits » remplacés par ces derniers.

Cette reprise 1 pour 1 ne concerne cependant pas l’ensemble des produits concernés par les filières REP et des conditions en termes de surface de vente ou de seuils de chiffre d’affaires sont prévues, ainsi que des modalités spécifiques pour les ventes avec livraison.

L’écoconception des produits

Si la loi AGEC demeure relativement vague à propos de l’écoconception des produits, se contentant de faire état de l’obligation des producteurs d’adopter « une démarche d’écoconception des produits ».

Le rôle et l’accompagnement des éco-organismes devrait ici être important, d’autant que cette obligation se traduit notamment par l’élaboration d’un « plan de prévention et d’écoconception », visant par exemple à « réduire l’usage de ressources non renouvelables », et qui peut être commun à l’ensemble des adhérents à un éco-organisme, en plus d’être révisé tous les cinq ans.

Au-delà de la mise en place d’un tel plan, des dispositions réglementaires ayant fait suite à la loi AGEC apportent des précisions quant à l’écoconception de certains produits relavant de filières REP.

Quelles nouvelles obligations en matière d’information du consommateur et de publicité ?

La loi AGEC et ses suites développent en partie l’information devant être délivrée par un professionnel aux consommateurs : ceux-ci doivent ainsi bénéficier d’une information sur les qualités et caractéristiques environnementales d’un produit générateur de déchets ou d’une information sur la disponibilité éventuelle de pièces détachées (articles L541-9 du Code de l’environnement et L111-4 du Code de la consommation).  La garantie légale de conformité est également modifiée, les produits réparés au titre de cette garantie bénéficiant d’une extension de garantie de six mois (article L217-13 du Code de la consommation).  

En matière de publicité, la loi AGEC crée notamment l’article L541-15-9 du Code de l’environnement qui prévoit que « Toute publicité ou action de communication commerciale visant à promouvoir la mise au rebut de produits doit contenir une information incitant à la réutilisation ou au recyclage » en plus d’interdire la « la publicité incitant à dégrader des produits en état de marche ou à empêcher leur réutilisation ».  Ces nouvelles obligations devraient mener à des modifications de leurs CGV par certains professionnels.

Quelles nouvelles obligations en matière d’emballage ?

En matière d’emballage, la loi AGEC comprend un certain nombre de dispositions, qui portent tant sur la signalétique à apposer sur ceux-ci que sur leur traitement et leur fabrication.

Désormais, les producteurs sont responsables de l’apposition du logo Triman et de « l’info-tri » sur certains emballages qu’ils fabriquent, l’info-tri ayant pour objectif de préciser « les modalités de tri ou d’apport du déchet issu du produit », l’éco-organisme pouvant, dans certains cas, participer à l’élaboration de cette signalétique (articles L541-9-3 et R541-12-18 du Code de l’environnement).

Des précisions sont également apportées sur l’apposition de certains termes sur les emballages, celle-ci pouvant être proscrite lorsqu’elle ne respecte pas les critères posés par les textes, c’est par exemple le cas de la mention « compostable » (Article L541-9-1 du Code de l’environnement).

Pour ce qui regarde ensuite la fabrication des emballages et leur traitement, il est à noter que la loi AGEC fixe un objectif national de réduction des emballages en plastique à usage unique, qui correspond à « 20 %, dont au moins 50 % obtenus par recours au réemploi et à la réutilisation d’emballages, à l’échéance du 31 décembre 2025 » ce par rapport à l’année 2018[6]. La loi AGEC prévoit également l’interdiction d’utiliser certaines huiles minérales sur des emballages depuis le 1er janvier 2022 (interdiction étendue aux impressions à destination du public à partir du 1er janvier 2025). D’autres dispositions réglementaires, antérieures à la loi AGEC encadrent la fabrication des emballages.

S’il convient de raisonner au cas par cas tant les règles peuvent varier en fonction des produits et des filières REP concernées, la loi AGEC met ainsi un certain nombre de nouvelles obligations ou d’obligations précisées à la charge des producteurs.

 

Léon Guntz

Elève-avocat

[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041553759/

[2] Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, « Trois ans de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire : des transformations à l’œuvre et à venir » 8 février 2023 https://www.ecologie.gouv.fr/trois-ans-loi-anti-gaspillage-economie-circulaire-des-transformations-loeuvre-et-venir

[3] Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, « Les Filières REP, qu’est-ce que c’est ? » https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/19049_Decryptons_Fili%C3%A8res_REP.pdf

[4] Article R541-138 du Code de l’environnement

[5] Avis numéro 17-13 relatif à la mise à jour de l’avis 09-13 venant compléter le dispositif de questions-réponses relatif à la LME : question numéro 09120914 (https://www.economie.gouv.fr/cepc/avis-numero-17-13-relatif-a-mise-a-jour-lavis-09-13-venant-completer-dispositif-questions)

[6] Décret 2021-517 du 29 avril 2021 relatif aux objectifs de réduction, de réutilisation et de réemploi, et de recyclage des emballages en plastique à usage unique pour la période 2021-2025 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000043458675