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LIBERTY et ZADIG ET VOLTAIRE , deux échecs de l'action en contrefaçon de droit d'auteur

Retour sur deux arrêts de la fin de l’année 2013 qui nous permettent de mettre en lumière les précautions à prendre avant d’engager une action en contrefaçon en matière de droit d’auteur.
En l’espèce, la société LIBERTY RETAIL reprochait à la société HENNES AND MAURITZ (H&M) d’avoir reproduit son modèle de tissu et la société ZADIG ET VOLTAIRE reprochait à la société BEST MOUNTAIN d’avoir reproduit son modèle de tee-shirt dit « tunisien ».
Pourtant, dans ces deux litiges, les sociétés demanderesses n’ont pas obtenu gain de cause et ce, pour les raisons évoquées ci-après.

Le premier arrêt évoque la difficulté de prouver la titularité d’un modèle de tissu et le second rappelle l’importance de s’assurer de l’originalité du modèle dont on invoque la protection par le droit d’auteur, en l’occurrence un modèle de tee-shirt, avant d’engager une action judiciaire.

(1) La société anglaise LIBERTY RETAIL LIMITED, réputée pour les tissus éponymes aux motifs floraux subtils et caractéristiques, ayant pour activité la création et la commercialisation de créations de luxe et de mode et exportant ses tissus dans le monde entier et, notamment, en France, a revendiqué des droits d’auteur sur deux modèles de tissus baptisés « Claire-Aude » et « Bourton ».

Ayant constaté, en avril 2009, que des modèles de ballerines, de chaussures à semelles compensées et de robes – commercialisés auprès de six magasins H&M à Paris – reproduisaient ses tissus, la société LIBERTY RETAIL a engagé une action judiciaire en contrefaçon de droit d’auteur devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

En première instance, par jugement du 27 janvier 2012, le TGI de Paris avait déclaré que la société LIBERTY RETAIL était irrecevable à agir en contrefaçon, à défaut de justifier être titulaire de droits d’auteur sur les tissus litigieux.

En appel, la société LIBERTY RETAIL a fait valoir que les droits de propriété intellectuelle sur le catalogue de tissus Liberty ont été cédés à la société LIBERTY FABRICS (intervenante volontaire dans l’action) et qu’en tout état de cause, les tissus litigieux ont été divulgués et commercialisés préalablement par cette société.

En outre, elle ajoute qu’un accord a été conclu entre la société LIBERTY RETAIL et la société LIBERTY FABRIC, attribuant à la première le droit d’agir en justice.

En effet, la société LIBERTY RETAIL invoque que les modèles de tissus auraient été créés par des salariés ou des designers de LIBERTY FABRIC, respectivement en 1975 et 1966, dans le cadre de leur contrat de travail. Mais pour seules preuves, elle verse aux débats 
-des captures d’écran du site internet www.liberty.co.uk qui ne comportent aucune date que celle de leur impression, en 2012, et une mention de copyright de 2011, et qui ne fournissent aucune indication sur l’identité des créateurs supposés des tissus revendiqués, ni sur l’existence d’éventuels contrats de travail entres lesdits créateurs et la société LIBERTY RETAIL,
-une attestation du 11 mars 2010 émanant du propre directeur financier de la société, qui ne fournit pas davantage d’informations quant à l’identité des créateurs,
-un contrat de cession de droit des propriété intellectuelle daté du 18 octobre 2012 intervenu au profit de la société LIBERTY FABRIC et une lettre de son directeur financier, qui ne justifient pas de l’existence de droits d’auteur sur les tissus revendiqués dés lors qu’ils mentionnent la cession du « catalogue de modèles liberty » et ne renseignent nullement sur la création des tissus revendiqués.

La Cour d’appel de Paris a considéré que « ces éléments ne permettent nullement d’établir le processus de création des tissus revendiqués, comme le feraient notamment des croquis ou des attestations de celui ou de ceux qui les ont conçus ».

En définitive, la société LIBERTY RETAIL a échoué à prouver qu’elle était titulaire des droits d’auteur sur les tissus et n’a pu, de ce fait, obtenir gain de cause dans le cadre de cette action en contrefaçon de droit d’auteur à l’encontre de la société H&M et ce, en dépit du fait que l’originalité des modèles de tissus n’était pas contestée.

(2) La preuve de l’originalité des modèles est, en revanche, la preuve qui a manqué à la société demanderesse dans la seconde affaire relatée.

Cette affaire a opposé les sociétés ZADIG ET VOLTAIRE et BEST MOUNTAIN, dans le cadre d’une action en contrefaçon de droits d’auteur, concernant des tee-shirts.

En l’espèce, la société ZADIG ET VOLTAIRE, célèbre marque française de prêt à porter commercialisant un tee-shirt référencé « tunisien », a assigné en contrefaçon de droit d’auteur la société BEST MOUNTAIN, pour avoir reproduit les caractéristiques originales de son modèle de tee-shirt.

En appel, la société demanderesse est déboutée. Elle se pourvoit donc en cassation, mais la Cour suprême suit le raisonnement de la Cour d’appel de Paris et considère que la combinaison des caractéristiques du modèle de tee-shirt est dépourvue d’originalité.

Rappelons que, de jurisprudence constante, pour qu’un modèle soit protégé par le droit d’auteur, il convient qu’il soit original, à savoir qu’il porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Or, la Cour de cassation a refusé de caractériser le modèle de ZADIG ET VOLTAIRE d’« original », et a rappelé, également, que « nul ne peut se constituer de preuve à lui-même » pour considérer que la société ZADIG ET VOLTAIRE avait échoué à prouver que son modèle de tee-shirt était commercialisé antérieurement à celui de la société défenderesse, dans la mesure où, pour apporter cette preuve de la commercialisation, la société demanderesse s’était contentée de produire des attestations de salariés ou d’anciens salariés de la société.

En conclusion, il convient de retenir de ces deux décisions de jurisprudence que l’action en contrefaçon de droit d’auteur concernant des articles de mode n’est pas à prendre à la légère et qu’il est préférable, au préalable, de s’assurer, avant d’engager une action, que les droits sur ce modèle appartiennent bien à la société qui engage l’action et que la société sera en mesure de prouver que le modèle dont elle reproche la reproduction est original et qu’il a été commercialisé antérieurement.

A titre d’exemple, l’attestation pourra être utilisée pour apporter la preuve d’une création mais pas en tant que telle pour prouver une commercialisation.

Blandine POIDEVIN
Clémence VANCOSTENOBLE