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L’application de l’article L335-2-1 du CPI par les tribunaux

Lors de l’adoption de la loi DADVSI du 1er août 2006[1], cette mesure n’était pas passée inaperçue. La création d’un nouveau délit réprimant le fait «d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’oeuvres ou d’objets protégés » avait été largement décriée par les partisans des réseaux Peer-to-Peer, au point d’être appelée « amendement Vivendi Universal »…

 

Le Conseil Constitutionnel avait été saisi et avait retenu que « les termes  » manifestement destinés  » et  » sciemment  » étaient suffisamment clairs et précis pour ne pas méconnaitre le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines »[2].

 

Près de 10 ans après l’adoption de cette loi, force est de constater que les décisions faisant application de ce nouveau délit intégré à l’article L335-2-1 du Code de la propriété intellectuelle sont relativement rares.

 

La plupart consiste dans l’application prévisible de ce pour quoi cette disposition avait été initialement envisagée par le législateur, à savoir le P2P.

 

Il en est ainsi, par exemple, de la décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris le 12 mai 2015 qui a condamné l’éditeur du site internet eMule paradise qui, avec plus de 300 000 visiteurs par jour, était  un acteur majeur du téléchargement illégal en France.

Ce site comportait des liens qui permettaient de reproduire des oeuvres sans l’autorisation des auteurs et de les mettre à disposition de l’ensemble des internautes du réseau peer to peer, en téléchargeant un logiciel.

 

Certaines ont permis d’élargir les agissements susceptibles d’être appréhendés par le biais de cet article au Streaming.

 

Ainsi, dans un arrêt du 25 septembre 2012[3], la Cour de cassation a inclus le streaming, diffusion par flux ne nécessitant pas de téléchargement sur le disque dur, dans le champ d’application de cet article. L’affaire concernait Radioblog, logiciel permettant aux internautes de constituer leur propre play-list et de l’écouter. Les magistrats ont relevé, pour les condamner, que « les prévenus avaient conçu le logiciel et le site en cause afin de permettre au public d’écouter, au mépris des droits de leurs auteurs et producteurs, des phonogrammes qu’ils savaient protégés ».

 

A cet égard, tout service de communication au public en ligne d’oeuvres protégées, sans avoir obtenu les autorisations requises et toute mise à disposition d’un logiciel ayant cette finalité, entrent, d’après la Cour de cassation, dans les prévisions de l’article L 335-2-1 du Code de la propriété intellectuelle ».

 

D’autres, enfin, se sont penchées sur la question de l’adverbe « manifestement » figurant dans l’article ajouté par la loi DADVSI de 2006.

Il en est ainsi de la décision rendue par le tribunal de grande instance de Nîmes lé 28 juin 2013[4] qui a condamné sur ce fondement un étudiant en informatique qui avait détourné les mesures techniques de protection des œuvres présentées sur le site Deezer afin d’en permettre le téléchargement illégal et avait mis son logiciel à disposition du grand public.

 

Il invoquait avoir notamment été mû par le souhait de relever un « défi technique ». Il n’a pas été suivi par les juges du fond…

[1] Loi n°2006-961 du 1 août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information

[2] Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006

[3] Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 Septembre 2012

N° 11-84.224, 5384

[4] Tribunal de grande instance de Nîmes, 28 Juin 2013, N° 11094000003