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Quel contrôle par l'employeur des e-mails de ses salariés?

Il est fait grand bruit de l’arrêt de la Cour de Cassation du 02 octobre 2001 qui dispose :

Attendu que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur

La presse s’en est fait largement écho, notamment sous les titres suivants : ‘ La Cour de Cassation consacre le secret des fichiers électroniques personnels de salarié ‘ (www.forminternet.urg) – ‘ L’entreprise n’a aucun droit de regard sur les courriers électroniques ‘ (ZD net 04/10/01).

Cette décision semble, à première vue, en contradiction avec la tendance des décisions rendues jusqu’alors qui soumettaient la possibilité d’avoir accès aux informations par l’employeur à une connaissance préalable des salariés.

Dans ce sens, la Cour d’Appel de Montpellier le 06 juin 2001 énonce que la vérification par l’employeur des courriers électroniques des salariés, pour être licite, doit avoir été portée préalablement à la connaissance des salariés.Selon cette décision, l’information portée au salarié consistant en la simple production d’un courrier interne adressé au salarié lors de l’installation du système informatique n’est pas suffisante, l’information d’un contrôle éventuel n’avait pas été portée à sa connaissance.

Dans la droite ligne de cette tendance, nous avons vu fleurir des chartes de communication électronique dans l’entreprise ou l’adaptation des règlements intérieurs existants pour se conformer à cette exigence de l’information préalable.

Cette décision du 02 octobre 2001 met-elle à néant cette thèse ?

Beaucoup l’ont annoncé.

Pourtant, la lecture de la décision oblige, me semble-t-il, à plus de nuances.

En effet, dans cette espèce, l’employeur se prévalait de documents issus d’un fichier intitulé ‘ personnel ‘ qu’il avait découvert en consultant l’ordinateur mis à la disposition du salarié.

C’est à mon sens le comportement de l’employeur qui a ouvert un fichier manifestement personnel qui est condamné.

Les textes visés sont à l’appui de ce raisonnement : l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article 9 du Code Civil, l’article 9 du NCPC et l’article L 120-2 du Code du Travail.

Une lecture de l’arrêt se limitant à l’interdiction de contrôle des e-mails par l’employeur serait réductrice et hâtive.

La Cour n’a pas entendu sanctionner tout contrôle d’e-mails des salariés qui serait fait par l’employeur mais sanctionner l’accès à un fichier apparaissant comme strictement personnel.

L’usage actuel consistant à solliciter des salariés dans l’objet de leur message la nature de celui-ci (personnel ou professionnel) va dans ce sens. Il en est de même de la demande d’autres employeurs de mettre en copie plusieurs intéressés ou une adresse dédiée afin de faire la distinction.Analysée de la sorte, la décision de la Cour de Cassation correspond à la protection naturelle qui doit être de mise sur les lieux de travail sans dénier, toutefois, tout pouvoir de contrôle à l’employeur.

L’article L 121-8 du Code du Travail, voté en 1992, prévoit bien que ‘ aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à l’emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié ou du candidat à l’emploi ‘. Cette interdiction est strictement appliquée par la Cour de Cassation.En conséquence, cet arrêt apparaît assez proche d’autres décisions rendues en matière de télésurveillance, obligeant à informer préalablement le salarié. Il appartient alors au juge du fond d’apprécier si l’information a été suffisante comme l’a fait la Cour d’Appel de Montpellier.

De la même façon que le téléphone peut dans des limites raisonnables être utilisé à des fins privées, l’e-mail mis à disposition par l’employeur peut être utilisé dans les mêmes niveaux de proportions de mesure et de loyauté par le salarié.

Comme le conclut Monsieur Kehrig, avocat général, qui a été suivi dans ses conclusions : ‘ l’équilibre est difficile à réaliser et Vous (les conseillers de la Cour de Cassation) avez certainement de nombreuses autres occasions d’arbitrer entre les intérêts en présence ‘.