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Quelle loi applicable aux litiges sur internet ?

La question de la loi applicable est cruciale tant pour les consommateurs que pour les vendeurs en ligne. De la réponse à cette question, découle le droit applicable, national ou non, connu ou non.

Alors que la Jurisprudence semblait jusqu’ici se satisfaire, pour déterminer la loi applicable aux actes commis par le biais d’un site Internet donné, de la distinction entre site actif et site passif, imaginée dans les jurisprudences HUGO BOSS et RODERER, la décision rendue par la Cour d’Appel de PARIS le 9 novembre 2007 dans une affaire E BAY vient remettre en cause cette construction.

Ainsi, si tout site Internet est, par principe, consultable depuis chaque endroit de la planète, il était toutefois admis qu’un droit national avait vocation à s’appliquer en cas de litige relatif à celui-ci dès lors que le public correspondant était spécialement ciblé par ledit site. Les juges prenaient à cette fin en considération un certain nombre de critères, parmi lesquels notamment la langue du site, les facultés de commande et de livraison depuis ou vers le territoire concerné, la monnaie des transactions susceptibles d’être effectuées, l’extension géographique du nom de domaine, le référencement du site, les assistants de vente, etc. Le site était alors considéré comme « actif ».

La décision E BAY rendue le 9 novembre 2007 concernait un litige opposant l’auteur de deux œuvres picturales à la société E BAY qui proposait, sur son site de vente aux enchères, des œuvres arguées de contrefaçon au regard du droit français.

La société E BAY soutenait que les critères permettant l’application de l’article 46 du Nouveau Code de Procédure Civile n’était en l’espèce pas réunis. Ledit article prévoit la compétence des Tribunaux du lieu du fait dommageable, le lieu où le dommage a été subi. E BAY relevait que le fait que le site incriminé soit accessible depuis des ordinateurs situés en France ne suffisait pas à établir un tel fait dommageable en France, dans la mesure où cela reviendrait à considérer que les juridictions françaises ont vocation à connaître de l’ensemble des actes de contrefaçon commis sur Internet dans le monde entier.

Au contraire, l’auteur soutenait que les internautes français avaient bien la possibilité de participer aux ventes aux enchères sur le site « ebay.ca », celui-ci ne contenant aucune restriction limitant l’accès aux seuls publics américain et canadien. En outre, les mentions relatives aux possibilités d’expédition dans le monde entier, aux moyens de paiement ou à la possibilité de payer les toiles en Livres Sterling, établissaient clairement la possibilité pour des internautes non américains d’acquérir lesdites œuvres.

Les magistrats ont estimé que les liens de rattachement relevés n’étaient pas de nature à caractériser, entre les faits délictuels, en l’occurrence la contrefaçon, et le dommage allégué sur le territoire français, « les liens suffisants substantiels ou significatifs avec le territoire français » exigés par l’article 46. Il était donc selon eux nécessaire d’établir que le fait dommageable concernait bien le public français, alors qu’en l’espèce le site Internet « ebay.ca » n’était manifestement pas destiné au public français en raison notamment de la langue anglaise utilisée, des unités de mesures anglo-saxonnes retenues, des moyens de paiement étrangers susceptibles d’être utilisés, ainsi que de l’extension géographique en « .ca » du nom de domaine, le rattachant à une clientèle nord-américaine ou canadienne.Cette position a fait l’objet d’une confirmation a contrario par le Tribunal de Grande Instance de PARIS, le 14 décembre 2007, dans une autre affaire E BAY, rejetant cette fois l’exception d’incompétence des Tribunaux français, au sujet de la diffusion de publicités sur l’interface accessible à l’adresse www.ebay.fr. Ils se sont alors reconnus compétents.

Ainsi, il semble que la volonté des marchands soit davantage prise en considération. « .com » ou « .fr », les décisions sont diamétralement opposées.

Blandine POIDEVIN