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Diffamation publique et religion

Dans un contexte où les religions font beaucoup parler, il est utile de rappeler que la justice a eu plusieurs fois à se pencher sur la question de ce qui constituait une diffamation envers une religion ou une communauté religieuse quand des questions de religion sont évoquées. Voici quelques une de ces décisions.

Constitue le délit de diffamation publique envers un groupe de personnes un article

qui, après dénonciation des pratiques d’égorgement de moutons auxquelles donne lieu

la fête de l’Aid el Kebir, aborde le domaine des massacres de personnes en Algérie et

présente la communauté musulmane dans son ensemble comme des égorgeurs, non

seulement actuels mais encore potentiels.  (CA Paris, 11e ch. A, 28 oct. 1998 :

JurisData n° 1998-023073).

Sont de nature à provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale des

propos tenus dans une séance du conseil municipal et contenant des passages selon

lesquels « le fort pourcentage d’islamiques représente une réelle menace pour nous et

l’avenir de nos enfants… nous refusons leur colonisation… il n’est pas admissible que

des hordes ethniques fsent régner la terreur, ce qui pousse les habitants à se cloîtrer

chez eux, accule les commerçants à fermer boutique et fait régner au quotidien la

violence, le racket, la drogue dans les collèges » (CA Paris, 11e ch. A, 4 nov. 1998 :

JurisData n° 1998-023074).

Le fait d’imputer à la population immigrée la commission d’actes de délinquance

habituelle et de rappeler les idées préconisées par un parti d’extrême droite de

procéder à des expulsions ne constitue pas un élément susceptible de constituer une

discrimination raciale ou une incitation à la haine raciale. S’agissant de la première

imputation, les éléments ne sont pas susceptibles de provoquer à la haine raciale et

pour la seconde, il faut y voir une simple mention de la mise en oeuvre d’une

disposition légale. Au total, le texte et le dessin litigieux mettent en cause la politique

d’attirance des étrangers par la perspective d’avantages sociaux, ce qui ne constitue ni

une atteinte à l’honneur et à la considération des personnes visées, ni une provocation

à la discrimination ou à la haine (CA Paris, 11e ch., 25 janv. 2001 : JurisData

n° 2001-137733).

Le président d’un parti politique, dans un entretien publié par un journal, a déclaré :

d’autant que quand je dis qu’avec 25 millions de musulmans chez nous, les français

raseront les murs, des gens dans la salle me disent non sans raison : « mais monsieur…,

c’est déjà le cas maintenant ». La cour d’appel a exactement apprécié le sens et la portée

des propos litigieux et caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, tant matériels

qu’intentionnel, le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence

envers un groupe de personnes en raison de leur religion et a ainsi justifié l’allocation, au

profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant, qui est

évaluée à 1 500 euros (Cass. crim., 3 févr. 2009, n° 08-82.402 P et n° 06-83.063 :

JurisData n° 2009-046976)

Constitue le délit de provocation à la discrimination raciale le fait de présenter

l’appartenance à la communauté musulmane comme un facteur de délinquance. Tel est le

cas d’une émission télévisée dont l’auteur utilise le vocable « musulman » pour décrire

celui « qui vole de supermarché en supermarché » (Cass. crim., 15 janv. 1998, n° 96-

82.192 : Gaz. Pal. 1998, 1, chron. dr. crim., p. 74, obs. J.-P. Doucet).

Le contrôle du juge semble indispensable dans un état de droit mais internet pose de nouvelles questions en terme d’identité de l’éditeur d’un message diffusé à grande échelle et de contours entre communication publique et privée, notamment quand le support concerné est un réseau social.