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Le droit à l’image des personnes filmées, panorama de jurisprudence

L’utilisation des réseaux sociaux met la photographie et la vidéo au cœur de nos échanges. Se pose de façon omniprésente, la question du droit à l’image des personnes filmées.

I/ PRINCIPE DU CONSENTEMENT EXPRÈS

De façon constante, les Tribunaux rappellent que l’acceptation de la personne à la diffusion de son image doit être expresse (CA Paris 22/03/1999, CA Versailles 21/03/2002…).

Toutefois, le consentement peut être tacite dans certaines circonstances.

II/ EXCEPTION DU CONSENTEMENT TACITE

Si la personne a conscience d’être filmée et ne s’y est pas opposé, les Tribunaux reconnaissent un consentement tacite de cette captation.

Ainsi, en 2006, dans le cadre d’un reportage télévisé sur M6 consacré aux chauffeurs de taxi, la Cour de Cassation a estimé que « le consentement à la diffusion d’images de la personne ou de faits de sa vie privée peut être tacite ».

Elle a retenu que l’intéressé « avait autorisé en toute connaissance de cause la captation de ses traits aux fins de télédiffusion sur M6 et s’était prêté de bonne grâce à toutes les séquences du film (…) » (Cour de Cassation. 1ère. 07/03/2006).

En 2008, dans le cadre du film « Être et Avoir » pour lequel un instituteur a été filmé pendant ses cours, la Cour de Cassation est allée encore plus loin en reconnaissant le consentement tacite de l’instituteur à la diffusion de son image « sous quelque forme que ce soit ».

Elle estime que l’instituteur « n’ignorait pas que le documentaire était destiné à faire l’objet d’une exploitation commerciale, peu en important la forme, et qu’il a accepté, en toute connaissance de cause de participer activement aux différentes opérations de promotion du film », ce dont la Cour d’appel a justement déduit que « par son comportement, l’intéressé avait tacitement mais sans équivoque consenti à la diffusion de son image sous quelque forme que ce soit dès lors que cette diffusion était directement rattachée au film » (Cour de Cassation. 1ère.13/11/2008).

Toutefois, cela suppose que la personne filmée soit informée de l’usage projeté. Son consentement doit être complet.

Comme l’a souligné, la Cour de Cassation en 2008, l’instituteur n’ignorait pas que le documentaire était destiné à faire l’objet d’une exploitation commerciale et a accepté de faire la promotion du film.

De même, en 2006, la personne filmée avait accepté en toute connaissance de cause la captation de son image en sachant que celle-ci serait utilisée dans le cadre d’un documentaire.

En conséquence, la personne filmée doit avoir été informée de l’usage qui serait fait ultérieurement de ces images (TGI Paris 18/05/2009 dans le cadre d’un documentaire sur les médecins urgentistes à l’occasion duquel des journalistes ont filmé l’accouchement d’une jeune fille accompagnée de sa mère alors même qu’elle avait refusé d’être filmée).

Cette exception se déduit des circonstances de fait et suppose une analyse concrète de la situation en question.

A titre d’illustration, un individu filmé chez lui prétend n’avoir pas consenti à être filmé et à la diffusion du reportage. Pourtant, la Cour a considéré que son consentement tacite ressort du fait « qu’il a lui-même guidé l’équipe de tournage dans son appartement, qu’il n’a pas tenu compte des protestations de sa femme, profitant au contraire de la présence des caméras pour expliquer sa bonne foi et les raisons pour lesquelles il n’avait pu payer sa dette. Enfin, il n’a jamais manifesté son refus de voir son image diffusée et ses propos relayés avant la date de diffusion du reportage » (CA Toulouse 31/03/2009).

Dans une autre affaire, le Tribunal a estimé que le demandeur savait que le reportage était réalisé pour la télévision et a accepté de s’exprimer devant la caméra : « il s’en déduit qu’en acceptant de prendre la parole, en tout état de cause publiquement en présence d’une foule nombreuse […], devant la caméra tournant un reportage pour une télévision française, le demandeur a donné une autorisation implicite, mais certaine, d’utilisation de son image » (TGI Paris 05/12/2007).

Ou encore, des personnes filmées en boîte de nuit pour un reportage sur la communauté homosexuelle n’ont pas à donner leur consentement exprès si les sociétés organisatrices de la soirée ont averti les clients de la présence d’une équipe de télévision faisant un reportage (TGI Nanterre 15/09/2004).

Néanmoins, la charge de la preuve du consentement repose sur l’exploitant du film.

Il appartient à celui qui exploite le film ou qui publie une photographie de prouver que l’intéressé avait donné son consentement (CA Paris 05/06/1979, CA Versailles 04/11/1999, TGI Paris 22/09/1999, CA Toulouse 05/09/2002). 

C’est à celui qui se prévaut d’une autorisation d’en rapporter la preuve, « il n’appartient pas à l’appelante de rapporter la preuve d’un usage non autorisé de son image mais à la société de presse de justifier des droits d’utilisation de cette image » (CA Aix-en-Provence 11/01/2005).

C’est à la société qui diffuse des photographies de prouver le droit d’utilisation de l’image du mannequin même si le consentement était tacite (Cour de Cassation. 2ème. 04/11/2004).

En conclusion, il peut être dérogé à la règle du consentement écrit selon les circonstances de l’avant tournage et du tournage en lui-même.

1 Comment

  1. charlotte
    14 juin 2019

    Bonjour, dans le cas d’un tournage d’une interview dans un restaurant où le patron du restaurant a donné son accord.
    Si un serveur passe derrière le sujet interviewé, en arrière-plan, avons-nous besoin de son consentement ?