• L'usage de la marque d'un concurrent dans le référencement d'un site internet -fr 
Nos publications

L’usage de la marque d’un concurrent dans le référencement d’un site internet

La jurisprudence de ces dernières années en matière de contrefaçon de marque sur Internet a eu légèrement tendance à semer le trouble dans l’esprit des juristes.

 

Il est proposé, ci-après, un aperçu des pratiques désormais admises par les tribunaux et de celles qui ne le sont pas en matière de contrefaçon de marque.

 

  • L’utilisation d’une marque dans le code source d’un site Internet

 

L’utilisation de la marque d’un tiers par le biais de l’insertion de balises méta identiques à ladite marque dans le code source d’une page web, afin d’obtenir un meilleur référencement sur les principaux moteurs de recherche, n’est pas considérée comme un usage contrefaisant de la marque.

 

En effet, le signe n’est pas utilisé dans le code source pour désigner des produits et services et n’est, par ailleurs, pas accessible à l’internaute qui a consulté le moteur de recherche en saisissant la marque en cause[1].

 

 

  • L’utilisation de la marque d’un tiers dans l’annonce publicitaire et dans l’intitulé du lien qui redirige les visiteurs sur le site de l’annonceur

 

La reprise de la marque d’un tiers, dès la page de résultats d’un moteur de recherche dans le résumé de la page Internet pour proposer des produits et services identiques à similaires à ceux couverts par la marque d’un tiers, de même que la reproduction de ce signe dans le lien qui permet de rediriger les internautes sur le site de l’annonceur, sont, au contraire, de nature à créer dans l’esprit d’internautes qui effectuent des recherches sur Internet, un risque de confusion.

 

En effet, le visiteur est alors susceptible d’attribuer aux produits et services en cause, une origine commune.

 

En conséquence, un tel usage caractérise une contrefaçon de marque susceptible d’engager la responsabilité de son auteur[2].

 

 

  • L’utilisation de la marque d’un concurrent comme mot-clé (Adwords)

 

L’usage de la marque d’un concurrent comme mot-clé, réservé via le système publicitaire Adwords de Google, est licite à condition de ne pas mentionner la marque dudit concurrent dans le message qui apparaît à la suite de la recherche à partir du mot-clé et que ce message ne prête pas à confusion sur l’origine des produits ou services[3].

 

Il ne peut, en effet, y avoir atteinte à la fonction d’indication d’origine d’une marque que lorsque l’annonce du concurrent indélicat ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute, normalement informé et raisonnablement attentif, de savoir si les produits ou services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celle-ci ou, au contraire, d’un tiers[4].

 

  • L’utilisation de la marque d’un concurrent pour en faire l’ancre de backlinks

 

Les backlinks (liens retours) sont des liens hypertextes associés à des mots-clés (ancre) à plusieurs reprises, permettant à l’URL inscrit dans l’hyperlien, d’optimiser le référencement  naturel des sites Internet.

 

L’algorithme du moteur de recherche Google  accorde, en effet, une certaine importance au texte associé avec un hyperlien pointant vers une page donnée.

 

Ainsi, lorsque plusieurs sites utilisent le même texte (mot-clé) associé au même hyperlien et donc pointant vers la même cible, le moteur de recherche additionne ces pointages et le site, visé par ces hyperliens en retour, ayant un indice de popularité accrue, se trouve mieux référencé.

 

Dans la mesure où ces liens sont, pour l’essentiel, invisibles des internautes, nécessitant une analyse du site pour pouvoir les détecter, ils ne sont, d’après la jurisprudence, pas susceptibles de générer une confusion dans l’esprit de l’internaute cherchant à acquérir des produits d’une marque donnée et qui trouverait, à l’issue de sa requête naturelle, le site d’un concurrent sur l’un des premiers rangs de la liste des résultats.

 

Un tel usage ne peut, par conséquent, être considéré comme une contrefaçon de marque mais peut, néanmoins, être appréhendé par le droit par le biais des agissements parasitaires, dès lors qu’une telle pratique a pour effet un détournement déloyal de clientèle et de l’investissement effectué par la société titulaire de la marque protégée[5].

 

 

  • L’utilisation de la marque d’un tiers dans l’abstract

 

L’abstract d’un site internet, établi automatiquement par le moteur de recherche, est susceptible de mener à une condamnation de l’annonceur. En effet, la Cour de cassation a jugé que la contrefaçon était constituée du seul fait qu’il existe objectivement un risque de confusion dans l’esprit du public, quand bien même un tel risque de confusion n’aurait pas été volontairement créé[6].

 

Ainsi, Biofficine, ancien distributeur de la marque Phytoquant, avait apposé sur son site internet une mention destinée à informer les consommateurs qu’il ne commercialisait plus les produits de cette marque et les invitait à s’adresser à la société éponyme. L’abstract du site, établi par Google, se présentait, dans la première page des résultats de recherche, sous la forme d’un pavé rédigé comme suit « « Chers clients, nous ne commercialisons plus le produit (QUANTAKEL, QUANTAFLORE, QUANTADYN, QUANTASMODIUM, QUANTAPHYLLE ou QUANTAMAG) de la marque PHYTOQUANT, que vous pourrez vous procurer en vous adressant directement au¿ www.biofficine.com (¿) ».

 

Victime, d’une certaine manière, des pratiques du moteur de recherche, l’ancien distributeur avait obtenu gain de cause en appel. La haute Cour a été plus sévère, condamnant l’annonceur au titre de la contrefaçon de marque sur la base d’un abstract dont il n’était pas l’auteur…

 

 

 

 

Viviane GELLES

Avocat au Barreau de Lille

Cabinet JURISEXPERT

 

 



[1] TGI Paris. 29/10/2010. FREE / OSMOZIS

[2] TGI Paris. 3ème Ch . 3ème section. 29/01/2016

[3] TGI Paris. 3ème Ch. 1ère section. 05/03/2015. INTERFLORA France / FLORAJET

[4] CJUE. 23/03/2010. Google France / Louis Vuitton

[5] CA Paris. Pôle 5. Ch.2. 28/03/2014 SOFRIGAM / SOFTBOX SYSTEMS

[6] Cass.com, 29 septembre 2015, n° pourvoi 14-14572