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« Un salarié peut-il cumuler plusieurs emplois ? »

L’usage des technologies de l’information et de la communication nous amène à travailler aisément à distance, de notre domicile, lieu de vacances etc., en dehors de heures ouvrées et parfois, à mettre en place une véritable seconde activité professionnelle. De nombreuses activités artistiques, de création, de loisirs, de développement informatique… se développent de cette façon. De même, en matière de commerce électronique, il n’est pas rare sur des marchés de niche que les sites soient gérés le week-end ou après les heures de travail de l’administrateur le temps de s’assurer de la rentabilité du projet.

Se pose alors la question du cumul de ces emplois.

La liberté du commerce et de l’industrie reconnue expressément dans le décret d’Allarde de 1791 a été érigée en principe général du droit par le Conseil d’Etat[1] puis en principe à valeur constitutionnelle[2].

L’accord du 3 septembre 2010[3] relatif au cumul d’emplois salariés ou d’activités confirme le principe selon lequel toute personne salariée peut cumuler son activité avec une autre activité professionnelle, qu’elle soit salariée ou non, à condition de respecter certaines dispositions.

La législation en vigueur permet aux salariés du secteur privé de cumuler plusieurs emplois à condition de respecter les principes de loyauté et de fidélité (1) lesquels peuvent être renforcés et limités conventionnellement (2).

En tout état de cause, le salarié qui cumule deux emplois salariés aura l’obligation de respecter les dispositions applicables aux durées maximales de temps de travail (3).

Enfin, le salarié peut également obtenir un congé d’un an afin de créer son entreprise (4).

1-     Le respect du principe de loyauté et de fidélité envers l’employeur

En application de la liberté du commerce et de l’industrie, tout salarié peut, à l’exception du cas particulier du fonctionnaire, occuper un autre emploi salarié ou une autre activité professionnelle.

La chambre sociale de la Cour de cassation admet la légalité de la pluriactivité professionnelle en décidant que l’existence d’un lien de subordination juridique n’est pas incompatible avec le cumul de plusieurs activités salariales[4].

De la même manière, la chambre sociale a également reconnu que l’existence d’un lien de subordination juridique n’est pas incompatible avec le cumul d’une activité salariée et d’une activité indépendante, de nature agricole, commerciale ou libérale[5].

Toutefois, le principe de la liberté trouve comme limite naturelle celle du respect du principe de loyauté applicable à tout salarié.

Le principe de loyauté est un principe qui s’applique indépendamment de toute disposition conventionnelle entre les parties. La portée de cette obligation est contenue dans les attributions du salarié, sa qualité, son rang dans l’entreprise ou encore la nature de ses fonctions.

Dans un contrat de travail, le principe de loyauté prend la forme d’une obligation de fidélité à l’égard de l’employeur, laquelle interdit au salarié d’exercer toute activité concurrente.

La clause d’exclusivité est une obligation de fidélité renforcée qui permet à l’employeur de rappeler au salarié ce principe de loyauté.

2-     Le renforcement conventionnel : l’interdiction du cumul

Le principe de loyauté peut être renforcé conventionnellement par l’intermédiaire d’une clause d’exclusivité laquelle ne doit pas être confondue avec la clause de non concurrence.

La clause d’exclusivité interdit au salarié de cumuler son emploi avec toute autre activité professionnelle (salariée ou non). Cette clause peut s’appliquer même si l’activité ne concurrence pas celle de l’employeur.

En effet, la clause d’exclusivité impose au salarié une obligation de fidélité renforcée en restreignant sa liberté de travail, c’est pourquoi elle doit donc faire l’objet d’une clause écrite.

Cette clause d’exclusivité ne doit pas être confondue avec la clause de non-concurrence, laquelle produit ses effets au delà de la durée du contrat de travail. Elle ne s’applique qu’à l’encontre d’une activité similaire ou identique à l’employeur en empêchant le salarié d’exercer une activité concurrente pendant une durée déterminée à l’issue du contrat de travail et devra prévoir une contrepartie financière pour être licite.

La clause d’exclusivité s’applique pendant l’exécution du contrat de travail et peut concerner toute autre activité professionnelle à condition d’être justifiée par l’intérêt de l’entreprise.

Néanmoins, la validité d’une telle clause est soumise à l’appréciation des juges. La jurisprudence a eu l’occasion de préciser que la clause d’exclusivité n’était « valable que si elle était indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et si elle était justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché[6] ».

Le non-respect de la clause d’exclusivité, lorsqu’elle est jugée licite, est considéré par les juges comme une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Cette clause ne sera opposable que dans l’hypothèse où, au jour de la conclusion du contrat de travail, l’employeur ignorait l’exercice de cette activité parallèle.

3-     Deux emplois salariés : l’obligation de respecter la durée maximale légale de travail

Le salarié cumulant deux activités salariées doit respecter la durée maximale légale de travail, sous peine de sanctions.

La législation impose que le salarié ne travaille pas plus de 10 heures par jour[7] et 48 heures par semaine[8]. Il doit, en outre, bénéficier d’un repos quotidien minimum de 11 heures consécutives et d’un repos hebdomadaire de 35 heures consécutives au minimum.

Ces durées doivent être respectées quels que soient le nombre d’employeurs et la durée du travail de chaque contrat.

Le non-respect de la durée maximale de travail est puni d’une amende fixée à 1500 euros maximum, 3000 euros en cas de récidive[9].

Néanmoins, ces règles ne concernent que le cumul d’emplois salariés. Ainsi, en cas de cumul d’une activité salariée et d’une activité non salariée, seule l’activité salariée est soumise au respect de la durée maximale du travail.

Enfin, la loi n’oblige pas le salarié à prévenir l’employeur de son cumul d’emplois. Cependant, le salarié doit permettre à son employeur de s’assurer que la durée maximale de travail autorisée est respectée.

L’employeur est en droit de demander au salarié une attestation écrite le justifiant. Son refus peut être considéré comme une faute grave justifiant un licenciement.

Bien que le salarié ne soit pas tenu, en application de la loi, d’informer son employeur d’un cumul d’activités, il est possible d’envisager conventionnement une obligation d’information.

4-     Salarié et indépendant : le congé pour créer son entreprise

L’article L.122-32-12 du Code du travail permet à tout salarié qui créé, reprend une entreprise ou qui exerce des responsabilités de direction au sein d’une entreprise d’obtenir soit un congé pendant lequel le contrat de travail est suspendu, soit à une période de travail à temps partiel.

La durée maximale de ce congé ou de cette période de travail à temps partiel est d’un an, et peut être prolongée dans la limite d’une année supplémentaire.

L’employeur ne peut s’opposer à ce congé sans motif légitime. En revanche, les intérêts de la société doivent être protégés, notamment sur le terrain de la concurrence.

Ainsi, l’employeur peut demander au salarié de préciser son projet et apprécier en fonction si la société est susceptible ou non d’être concurrencée par l’activité envisagée par le salarié.

L’employeur peut dans cette hypothèse refuser le congé. En revanche, s’il n’existe aucun risque de concurrence, il ne peut que le différer.

En conséquence, le contrat de travail est seulement suspendu, les parties restent soumises à l’obligation de loyauté pendant la durée du congé. C’est pourquoi, le projet du salarié ne pourra en aucun cas entrainer une concurrence déloyale envers son employeur.


[1] CE 22 juin 1951, arrêt Daudignac, n°590 02551

[2] C.constit. 16 janvier 1982, Décision n° 81-132

[4] Cass. Soc., 14 juin 1959 : D. 1980, p 96

[5] Cass. Soc., 17 juin 1982 : Bull. civ. V, n°403

[6] Cass., soc., 11 juillet 2000, n°98-43.240

[7] Article L.3121-34 du Code du travail

[8] Article L.3121-35 du Code du travail

[9] Articles D.8262-1 et R.8262-2 du Code du travail