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Atteintes au droit à l’image : quelle juridiction saisir?

Une très célèbre comédienne française, détentrice d’un Oscar et d’un César, avait été photographiée par un titre belge seins nus sur un tournage. Se fondant, légitimement, sur l’atteinte portée à son image en vertu de l’article 9 du Code civil, elle avait attrait devant le tribunal de grande instance de Nanterre, réputé pour sa générosité en matière d’indemnisation des atteintes aux droits de la personnalité, l’éditeur de presse concerné.

Ce dernier a soulevé l’incompétence de la juridiction française.

Petit rappel des règles applicables en la matière :

L’article 5 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, prévoit qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l’État membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts.

En droit français, l’article 42 du Code de procédure civile dispose quant à lui que :

« La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur (…). Si le défendeur n’a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger. »

L’éditeur belge soutenait qu’en vertu de l’article 2 du Règlement n° 44/2001 précité, la compétence du domicile du défendeur est le principe fondateur dans le droit de l’Union européenne et que les dérogations envisagées ne constituent que des exceptions d’application restrictive. L’actrice, ne demeurant en outre pas en France mais en Belgique, devait se tourner vers son juge naturel, le juge belge. Il considérait que la seule accessibilité de son site Internet en France et le fait qu’elle soit un organe de presse francophone étaient insuffisants pour retenir la compétence des juridictions françaises et que, par ailleurs, la comédienne ne démontrait pas l’existence d’un lien suffisant substantiel ou significatif avec le territoire français. En toute hypothèse, le titre belge estimait qu’ayant omis de démontrer que le centre de ses intérêts était précisément à Nanterre, Marion C. devait être déclarée irrecevable dans son action à défaut de compétence du juge saisi.

 

Rappelons que, depuis l’arrêt Martinez (CJUE, 25 octobre 2011, C-509/09 et C-161/10) rendu par la CJUE,  l’article 5.3 du Règlement de Bruxelles doit être interprété en ce sens qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l’État membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts, que cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé, introduire son action devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été et que celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie.

De même, dans son arrêt Pez Hejduk/EnergieAgentur (22 janvier 2015, C-441/13), la CJUE a également dit pour droit que le même article “doit être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits d’auteur et aux droits voisins du droit d’auteur garanti par l’État membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente, au titre du lieu de matérialisation du dommage, pour connaître d’une action en responsabilité pour l’atteinte à ces droits du fait de la mise en ligne de photographies protégées sur un site Internet accessible dans son ressort. Cette juridiction n’est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre dont elle relève”.

En vertu de ce qui précède, la demanderesse, actrice française née en France où elle travaille et réside avec sa famille, devait être considérée comme ayant le centre de ses intérêts en France, ce qui l’autorisait à saisir le juge français (Cour d’appel de Versailles, 21 janvier 2016).

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