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Le droit du référencement: rappel de quelques regles applicables

Google Suggest, Google Adwords : le moteur de recherche Google étant le principal acteur dans le domaine du référencement, c’est tout naturellement que la jurisprudence se positionne depuis quelques années sur les services proposés par ce géant et la manière dont les acteurs du monde économique les utilisent, pour préciser le cadre juridique applicable au droit du référencement.

Toutefois, en dehors de ces aspects là, les concurrents se livrent également une guerre sans merci, sans recourir aux services de Google, mais s’exposent, là encore, à des risques juridiques mettant en cause leur responsabilité délictuelle au titre, notamment, de la concurrence déloyale et du parasitisme.

Nous vous proposons ci-après un rappel des principales règles applicables dans ces différents domaines.

1 – La réservation de mots-clés via le service Google Adwords
Adwords est le nom du service publicitaire proposé par Google, permettant d’afficher des annonces publicitaires ciblées en fonction des mots-clés tapés par l’internaute ou de son comportement de navigation.

Les mots-clés sont achetés par les annonceurs.

La jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur la responsabilité des annonceurs ayant réservé des mots-clés correspondant à des signes distinctifs exploités par leurs concurrents (marque, dénomination sociale, …).

La jurisprudence communautaire

Dans une décision ouvrant la voie de la jurisprudence nationale, la Cour de Justice de l’Union Européenne a relevé que « le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique à [ladite] marque, que cet annonceur a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur Internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité ne permet pas, ou permet seulement difficilement, à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou au contraire d’un tiers ».

La Cour invite les juridictions nationales à apprécier au cas par cas, si les faits du litige dont elles sont saisies permettent de déterminer les cas où « l’annonce du tiers suggère l’existence d’un lien économique entre ce tiers et le titulaire de la marque », auquel cas ledit titulaire doit être habilité à interdire l’affichage d’annonces de tiers que les internautes risquent de percevoir, erronément, comme émanant de lui.

La jurisprudence française

Dans ce contexte, la jurisprudence française a fait des interprétations diverses de cet arrêt important.

 Favorables à l’annonceur concurrent

La Cour d’appel de LYON, dans un arrêt du 29 janvier 2013 , a rappelé que « le démarchage de la clientèle d’autrui est licite s’il n’est pas accompagné d’un acte déloyal ».

Il s’agissait d’un litige opposant la société SOLUTIONS, accusée de s’être livrée à des actes de concurrence déloyale, à son concurrent COBRASON.

Chaque fois qu’un internaute effectuait une recherche sur le moteur de recherche Google à partir du terme « COBRASON », il accédait automatiquement, et sans aucune manœuvre ou manipulation technique de sa part, à une page de résultat diffusant une annonce publicitaire renvoyant vers le site de la société SOLUTIONS.

La société COBRASON reprochait à son concurrent l’utilisation de sa dénomination sociale sous forme de mot-clé, en rappelant qu’ils exerçaient la même activité, ce qui générait, nécessairement, une confusion entre leurs sites Internet respectifs aux yeux de la clientèle potentielle considérée et provoquait, de ce seul fait, un détournement déloyal de clientèle.
Cette décision importante vient confirmer la jurisprudence antérieure dans ce sens .

La Cour de cassation, dans un arrêt précédent, avait ainsi estimé « chaque annonce était suffisamment précise pour permettre à un internaute moyen de savoir que les produits ou services visés par ces annonces ne provenaient pas de la société AUTO IES ou d’une entreprise qui lui était liée économiquement, mais au contraire d’un tiers, par rapport au titulaire des marques, ce dont il ne résultait, en l’espèce, aucune atteinte à la fonction d’identification d’origine de la marque » .

 Favorables au titulaire des droits

Dans une décision du 22 février 2011, la Cour d’appel de MONTPELLIER a considéré que la réservation, par le biais du service Google Adwords, d’un mot-clé correspondant à la marque déposée par un concurrent, constituait une atteinte à la fonction essentielle de la marque.

Elle a relevé qu’il s’agissait, pour la société concernée, d’obtenir un avantage économique consistant à faire connaître ses propres produits à l’internaute désireux de trouver des informations et des offres sur les produits du titulaire de la marque et, par là même, à lui proposer une alternative par rapport aux produits couverts de la marque et ainsi, de détourner les internautes sur son propre site.

La Cour de Cassation a également relevé que « l’insertion dans le moteur de recherche Google du mot clé correspondant à une marque déposée, déclenchait l’apparition immédiate et simultanée, tant des résultats de recherches traditionnels que de liens commerciaux comportant des annonces publicitaires pour des produits Advance et renvoyant à des adresses de sites Internet qui ne permettaient pas d’identifier l’annonceur, alors que, dans le même temps, le signe PCA restait affiché dans la fenêtre affectée à la recherche et qu’en l’état de ces constatations, la Cour d’appel a légitimement fait ressortir l’existence d’un risque de confusion sur l’origine des produits commercialisés par les deux entreprises ».

En conclusion, si le droit français n’exige en principe, pour condamner un tiers sur le terrain de la contrefaçon d’une marque, qu’une simple reproduction ou imitation de celle-ci dans la vie des affaires, la jurisprudence actuelle semble, s’agissant de la problématique des adwords, s’écarter de cette règle pour définir un régime de responsabilité plus favorable à l’annonceur.

Cette analyse a également été confirmée par le Tribunal de grande instance de Paris , dans un litige opposant un établissement de formation en matière de sécurité routière exerçant sous l’enseigne ASCUR à la société PROTAGORAS à laquelle il était reproché l’utilisation du nom « ASCUR » à titre de mot-clé dans le cadre du référencement promotionnel de son site Internet.

Relevant que l’annonce diffusée sur la page de résultats ne permettait pas à l’internaute de savoir qui était l’éditeur du site, dès lors que la société PROTAGORAS n’avait recours qu’à des termes génériques et descriptifs des services proposés et que le nom du site lui-même ne permettait pas d’identifier l’origine des services proposés d’une part, et que, d’autre part, la page d’accueil du site ne permettait, à aucun moment, à l’internaute d’identifier facilement qu’il s’agissait de services différents de ceux proposés par l’établissement ASCUR, le Tribunal a considéré ces éléments comme caractérisant une atteinte à la fonction d’identification de la marque, « le risque de confusion de l’internaute étant démontré tant par le flou de l’annonce du lien commercial sur la page de résultats du moteur de recherche, que par la généralité des textes sur le site, qu’encore sa présentation qui laisse croire à l’existence d’un site centralisateur de tous les stages de récupération de points ».

2 – Questions juridiques attachées au service Google Suggest
Le moteur de recherche Google propose un service de saisie semi-automatique des requêtes des internautes, présenté comme devant permettre à ceux-ci de rechercher rapidement des informations en leur proposant des requêtes de recherche similaires à la leur.

Ce service a été à l’origine de différentes affaires opposant des personnes morales ou physiques à la société américaine à laquelle ils reprochaient l’association, à leur nom, de termes gênants tels que « escroc », « arnaque », etc.

Dans un arrêt du 9 décembre 2009 , la Cour d’appel de Paris avait confirmé que le rapprochement, dans une même expression, du nom d’une société avec le mot « arnaque », c’est-à-dire d’un comportement pénalement répréhensible, portait atteinte à l’image et à la réputation de la personne concernée.

Elle avait aussi relevé que, contrairement à ce que soutenait Google, l’utilisateur moyen du moteur de recherche, ne savait pas parfaitement que Google Suggest ne propose que des requêtes tapées avant lui par d’autres internautes, classées par ordre de popularité, et pouvait interpréter cette donnée comme une information relative à la personne concernée.

L’absence totale d’avertissement préalable informant l’internaute du mode d’établissement de cette liste était ainsi considérée comme fautive et engendrant un préjudice pour la victime d’un tel rapprochement.

Pourtant, plus récemment, la Cour de cassation saisie d’une affaire similaire , a retenu que « la fonctionnalité aboutissant au rapprochement critiqué est le fruit d’un processus purement automatique dans son fonctionnement et aléatoire dans ses résultats, de sorte que l’affichage des mots-clés qui en résulte, est exclusif de toute volonté de l’exploitant du moteur de recherche, d’émettre les propos en cause ou de leur conférer une signification autonome, au-delà leur simple juxtaposition et de leur fonction d’aide à la recherche ».

La Cour exonère ainsi Google de toute responsabilité à cet égard. Il conviendra d’être vigilant sur les autres décisions qui pourraient être rendues en la matière.

3 – La concurrence déloyale et le parasitisme : les risques d’un référencement « borderline »

L’article 1382 du Code civil prévoit que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

C’est sur ce fondement que sont introduites les actions mettant en cause la responsabilité civile délictuelle sur le terrain, notamment, de la concurrence déloyale ou du parasitisme.

En matière de droit du référencement, il s’agirait de démontrer non seulement l’existence d’une faute commise par un concurrent dans le but, notamment, d’améliorer son référencement, mais également le préjudice qu’il subit et le lien de causalité entre la faute commise et le préjudice ainsi subi.

Dans le domaine du référencement, différentes fautes peuvent être reprochées au concurrent :

– l’insertion de mots-clés correspondant aux marques ou dénominations sociales d’un concurrent dans les métatags du site Internet ou leur insertion, de manière cachée, dans les pages du site,
– la réservation d’un nom de domaine proche de celui d’un concurrent et renvoyant sur le site du réservataire malveillant,
– la mise en place de sites satellites n’offrant, en tant que tels, aucun service sinon celui de renvoyer vers le site principal d’un acteur économique afin d’améliorer son référencement en trompant les moteurs de recherche.

Dans ces différents cas, ce sont les règles applicables au droit de la concurrence déloyale et au parasitisme qui s’appliqueront.

Il s’agira aux juridictions saisies d’apprécier si les agissements du concurrent revêtent un caractère loyal ou dépassent ce qui est admis en matière de concurrence entre opérateurs économiques.

La jurisprudence a eu l’occasion de condamner une agence immobilière ayant utilisé sous forme de mots-clés, sur son propre site Internet, l’un des signes distinctif de son concurrent en relevant que cette agence avait ainsi « fait preuve d’une évidente malice et créé une ambigüité susceptible de générer une confusion dans l’esprit de la clientèle » .

En matière de parasitisme, la jurisprudence considère, de manière constante que « pour qu’il y ait parasitisme, il faut que soit préalablement établi l’existence d’une technique ayant nécessité des efforts tant intellectuels que financiers importants, ou d’un nom commercial jouissant d’une réputation ou d’une notoriété particulière, résultant notamment d’une publicité très onéreuse et quasi permanente et représentant une valeur économique importante en soi » .

Le parasitisme se définit selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation comme « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ».

Ainsi, nombreux sont les comportements déviants susceptibles d’être réprimés.

4 commentaire(s)

  1. 30 juillet 2013

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  2. 26 juillet 2013

    Difficile de se faire une idée claire. Les cas par cas français et les normes européennes semblent parfois divergentes. Peut-être qu’il faudrait connaître chaque affaire en détail pour se faire une idée plus précise…

  3. 25 juillet 2013

    Je ne savais pas que le titulaire d’une marque pouvait interdire une entreprise d’utiliser cette appellation dans ses campagnes adwords. Merci pour ces informations totalement inédites pour moi. Mais qu’en est-il alors des revendeurs de produits d’une marque donnée ?

  4. 25 juillet 2013

    Tres bon billet à lire attentivement pour éviter de se faire sanctionner par la jurisprudence.