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Greenwashing et propriété intellectuelle : quels contrôles ?

Depuis que les départements marketing des entreprises ont constaté que la communication « verte » fait vendre, les labels écologiques, parfois trompeurs, ont envahi la publicité.

Petit tour dans le monde pas si green de l’écoblanchiment, ou greenwashing.

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Avec un peu de vert, il est possible de faire passer Coca Cola pour une marque responsable et écologique. Depuis l’accélération de la compréhension des enjeux climatiques par le public, les enseignes ne se privent pas pour se vêtir de vert.

Le sacro-saint « label green », à ce jour en France, passe par un verdissement affolant des identités de marques des entreprises, plus précisément par le verdissement de leurs marques déposées : via la couleur revendiquée (voir : https://www.inpi.fr/valoriser-vos-actifs/le-mag/peut-on-deposer-une-couleur-titre-de-marque), mais aussi via des termes et slogans racoleurs de type « labels » qui permettent de se donner une image loin des procédés et actions concrètement menées.

En septembre 2021, l’EUIPO a rendu un rapport mettant en évidence l’augmentation significative des demandes de marques relatives à la durabilité environnementale, comportant des termes tels que « solaire », « éolien » et « recyclage ». De moins de 1600 en 1996, le nombre de ces marques est passé à 16000 en 2020.

La stratégie moderne des acteurs économiques consiste à trouver de nouvelles manières de faire suggérer à leurs marques, sans pour autant les décrire, les avantages environnementaux supposés de leurs produits ou services. Pour le moment, ces acteurs se heurtent au critère de la descriptivité des marques. Aux Etats-Unis notamment, l’USPTO a refusé des demandes de marques telles que « green key » (cartes magnétiques écologiques), « carbone negative fiber » (fibres naturelles de matériaux composites) ou « zero waste tee » (vêtements). L’analyse est similaire en Europe. En revanche, des marques telles que « recashmeere » et « rewool » ont, elles, été enregistrées.

 

Comment identifier le greenwashing ?

Désormais, le consommateur possède des moyens de vérifier la sincérité des enseignes dans leurs démarches écologiques. Il existe aujourd’hui des labels fiables pour repérer les produits les plus responsables.

Tous ne se valent pas car chaque organisme est libre d’éditer sa propre charte pour la labellisation. Des marques comme H&M ont, par exemple, créé leur propre label, « BSCI », qui n’est pas un label mais une initiative de plusieurs entreprises (dont H&M, surprise) pour éditer un code de conduite, lequel permet l’attribution d’une note de conformité valable trois années… au terme d’un audit lui réalisé en 4 jours.

En France, l’INPI permet le dépôt de marques dites « collectives ». Une marque collective a pour fonction d’identifier l’origine de produits et de services émanant d’un groupement d’acteurs (association, groupement de fabricants, de producteurs ou de commerçants, personne morale de droit public) autorisé à l’utiliser en vertu d’un règlement d’usage. L’intention est louable, mais la difficulté demeure : tout label étant une marque dite « collective », elle a autant de titulaires que d’acteurs qui souhaitent s’engager sous ledit label, ce qui peut parfois amener à des dérives. Le code de la propriété intellectuelle prévoit deux types de marques collectives :

  • Les marques collectives « simples » : soumises au droit commun des marques, garantit l’origine des produits ou de services en l’indiquant aux consommateurs
  • Les marques collectives « de certification » : garantissent au consommateur la conformité des produits ou services par rapports à certaines caractéristiques spécifiques.

Les deux prévoient un règlement commun aux entités concernées, et un certificateur accrédité par un organisme étatique français appelé COFRAC. Par exemple, en France :

  • Woolmark
  • French Tech
  • Parc naturel régional
  • Agriculture biologique

Mais encore :

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Ces labels font l’objet de contrôles réguliers par des organismes de certification indépendants.

  • NF environnement : marque déposée par l’AFNOR, garantit un produit dont l’impact sur l’environnement est réduit
  • FSC : Forest Stewardship Council, Ecolbal qui assure que les produits en bois ou à base de bois ont respecté les procédures censées garantir la gestion durable des forêts
  • 1% for the Planet : les entreprises membres choisissent les associations ou projets qu’elles financent à hauteur de 1% de leur CA
  • Point Vert : l’entreprise ainsi labellisée verse une contribution financière destinée à accompagner la mise en œuvre d’une filière nationale de valorisation des emballages.
  • PEFC : Program for Endorsement of Forest Certification schemes, attribué à des régions qui assurent la gestion durable des forêts.
  • Ruban de Moebius : le repère des produits recyclés et recyclables. Accompagné d’un pourcentage, il indique la quantité de matière recyclée lors de la fabrication du produit.
  • Ecocert : organisme intervenant dans 80 pays pour assurer le contrôle des produits ayant un impact positif sur l’environnement, si ceux-ci ont plus de 95% d’ingrédients d’origine naturelle et 95% de produits issus de l’agriculture biologique, avec une traçabilité vérifiable.

Quelques solutions pour identifier le Greenwashing face aux marques :

  • Se renseigner sur le titulaire de la marque: par exemple, derrière Coca Coca Life, il s’agit bien de la mégastructure Coca Cola Company of Atlanta, qui en 2021 fait plus de 38 milliards de CA. Derrière Total Direct Energie, il y a l’entreprise la plus polluante du monde, Total, qui investit des milliards dans la communication publicitaire « green » pour apparaître comme un fournisseur d’électricité « verte ».
  • Vérifier l’origine et les certifications nécessaires pour les labels « verts »
  • Se méfier d’un packaging trop vert: un produit « sans » quelque chose (paraben, sucre, etc) est une technique pour attirer l’œil sur un ingrédient absent pour faire oublier les présents. La couleur verte présente à haute dose fait également oublier la composition réelle du produit car elle est universellement comprise comme une couleur naturelle.
  • Vérifier la composition d’un produit: la composition, c’est comme le Port-Salut, c’est (censé être) « écrit dessus ». Plus les termes sont complexes ou vagues, moins le produit est transparent.
  • Se méfier d’un prix trop bas: un prix cassé est rarement synonyme d’éthique et de respect des droits de l’homme. A l’inverse, un produit de luxe n’est pas forcément éthique non plus !

 

Quels recours contre le greenwashing ?

Les principes directeurs promulgués par la Commission fédérale du commerce des États-Unis d’Amérique dans les Green Guides [1]et par l’Union européenne (UE) dans sa directive sur les Pratiques commerciales déloyales[2] donnent une orientation claire sur ce que sont les informations trompeuses.

Pour les US comme l’Europe, l’utilisation de termes vagues comme “durable”, “vert”, “écologique”, ou d’autres du même genre, n’est pas acceptable si ces termes sont faux ou trompeurs. Ces allégations de marketing vert fausses ou sans fondement peuvent appeler l’attention de plusieurs acteurs : le régulateur, le législateur, d’éventuels justiciables, tels que des concurrents, des clients ou des organismes de défense des consommateurs. Les acteurs économiques usant de ces allégations se rapprochent dangereusement des pratiques commerciales déloyales (ou trompeuses), telles que définies par l’article L 121-1 du Code de la consommation[3] :

« Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. »

Plus encore, l’article L121-2 du même Code, dans sa version en vigueur depuis le 28 mai 2022,  précise que font partie des pratiques commerciales trompeuse si (entre autres)

« elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants (…) : Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l’apposition des mentions “ fabriqué en France ” ou “ origine France ” ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l’Union sur l’origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ».

L’on témoigne ainsi en France d’une réelle volonté du législateur à intégrer la protection environnementale au niveau du droit de la consommation.

Dans le même sens, en Italie, un tribunal a interdit au mis en cause de continuer à faire des allégations écologiques vagues et non corroborées d’éléments factuels. Le plaignant, Alcantara, qui fabrique une microfibre pour voitures, avançait que la société Miko se rendait coupable de fausses allégations quant à la nature écologique de sa microfibre. Cette décision a obligé Miko à retirer immédiatement les publicités en cause et à publier sur le site web de l’entreprise cette décision pendant 60 jours.

 

Dans son rapport de janvier 2021, de la Commission Européenne présente son analyse annuelle des sites Web destinés aux consommateurs, ciblée sur la recherche de violations de la législation européenne relative à la protection des consommateurs. Concentrée pour la première fois sur le greenwashing, cette étude a conclut que dans 42% des sites étudiés, les allégations étaient probablement fausses et trompeuses.

Il reste encore un peu de chemin à parcourir.

 

 

[1] https://www.ftc.gov/news-events/topics/truth-advertising/green-guides

[2] https://euipo.europa.eu/tunnel-web/secure/webdav/guest/document_library/observatory/documents/reports/2021_Green_EU_trade_marks/2021_Green_EU_trade_marks_FullR_en.pdf

[3]https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032227301#:~:text=Une%20pratique%20commerciale%20est%20d%C3%A9loyale,bien%20ou%20d’un%20service

 

Liens utiles :

https://www.inpi.fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/la-marque/les-cas-particuliers-de-la#:~:text=Une%20marque%20collective%20a%20pour,’un%20r%C3%A8glement%20d’usage

https://www.ftc.gov/news-events/topics/truth-advertising/green-guides

https://commission.europa.eu/law/law-topic/consumer-protection-law/unfair-commercial-practices-law/unfair-commercial-practices-directive_en

www.forbes.com/sites/edgarsten/2021/12/08/alcantara-wins-major-court-battle-against-greenwashing/

 

Article écrit par Carolann Volmat.